lundi 25 août 2008

Questions d'héritages

Vendredi soir, alors que je sirotait un Fanta bien frais pendant la pause de ma répétition j'ai eu un début de discussion assez intéressant avec mon guitariste, un ancien "gauchiste" qui assume son choix d'avoir voté Sarkozy aux dernières élections et qui me soutenait qu'il préférait avoir voté pour un mec de droite "qui fait des trucs de gauche" que pour une "pseudo gauche qui fait des trucs de droite".

Surpris, je lui ai demandé un exemple d'un "truc de gauche" mis en place ces dernières années, il me répond tout-de-go "Ben tu sais, le truc sur l'héritage qu'il a proposé comme ministre". Supposant qu'il parle de l'abattement sur succession et de l'assouplissement des règles de donation-partage, je me raidis immédiatement "C'est de gauche ça ??? Tu plaisantes ou quoi ? C'est juste pour favoriser la transmission de richesses pour ses copains, la moitié des français ne peut même pas prétendre laisser à ses enfants 100 000 euros meubles et voiture compris !!".

Je ne vous imposerai pas le reste de la discussion, j'en suis déjà parvenu à mon sujet : l'héritage et les différentes façons de l'envisager selon son positionnement politique, financier ou même républicain.

Il m'est difficile de parler pour les libéraux, aussi je vais faire une supposition de ce qui est leur raisonnement, puis de ce que je pense qui devrait l'être. Le libéral typique est pour l'héritage, contre les droits de succession, car l'État ne devrait pas pouvoir se servir sur la bête lors d'une transmission de richesses au sein d'une même famille, il considère que le fruit du travail de toute une vie (maison, propriété d'une industrie ou d'une entreprise) devrait pouvoir être légué à ses successeurs de façon totalement libre, et que de vouloir y opposer un impôt est la pire des injustices (je forcis le trait dans un but de provoquer des réactions).
Je répondrai à cet argumentaire "tu plaisantes mon grand ?". En effet, pour le libéral qui croit à la valeur du travail (qui doit être récompensé), le fait d'hériter du fruit d'un travail d'un tiers ne saurait être considéré comme éthique. Il devrait donc s'opposer au principe d'héritage au nom de la valeur travail. S'il admet qu'elle puisse être dévoyée sur ce point, il ne saurait critiquer les indemnités chômage, qui ne sont qu'une extension du principe de captation du fruit du travail des autres en dehors du cercle familial.

Il m'est évidemment plus facile de parler pour les "gauchistes" (quoique pas forcément sur ce point). Pour le "gauchiste", l'héritage est lié au capitalisme dans sa forme la plus haïe : la captation des richesses par un petit nombre, et l'exploitation du plus grand nombre qui en découle. Toutefois, il (le gauchiste, suivez !!) comprend que l'on puisse vouloir transmettre le fruit de son labeur à d'autres par principe de générosité, il est donc pour l'héritage mais, comme il croit aussi en un État régulateur des injustices de la société, il demande que chaque transmission de richesse soit taxée, afin qu'une partie des volumes échangés retombe dans la casserole générale. Les plus pauvres deviennent ainsi moins pauvres, les riches moins riches, bref le monde devient plus équitable... (Allez pour discuter de la "générosité non-forcée" des riches, c'est assez édifiant de naïveté parfois un libéral !!)
C'est malheureusement un peu trop beau, la nature humaine a aussi son mot à dire, et comme tout possédant et fils de possédant, le gauchiste est aussi parfois un peu égoïste, et il aimerait bien profiter gratis de la maison de campagne, ou de la voiture de ses parents, mais malgré cela il estime que la transmission des possessions industrielles et économiques induit la création d'une caste de dirigeants (forcément avares et exploiteurs). Il envisage donc une forte taxation des transmissions industrielles et financières, tout en assouplissant les transmissions d'importance moindre. Purement utopique (qui pourrait prétendre à fixer des barèmes justes ??) mais drôlement séduisant isn't it ?

On se retrouve donc dans une situation où tout le monde, "de gauche" comme "de droite" accepte le principe de l'héritage comme naturel, les arguties se cantonnant à la taxation ou non du bidule....

Tout le monde ?
Eh bien non, pas du tout, parce-qu'avant d'être "de gauche" ou "de droite", je considère qu'on devrait être républicain pour pouvoir se considérer comme français.

Et que la devise de la république française c'est "Liberté, Egalité, Fraternité", une devise héritée d'une révolution qui voulait renverser un ordre injuste établi sur la transmission familiale d'un pouvoir et de richesses. Une devise affirmée dans la nuit du 4 août 1789 par l'édit portant abolition des privilèges, et réaffirmée par l'obligation qui fut faite au roi de valider le décret le 5 octobre de la même année. Hors, il ne me semble pas exagéré de considérer un héritage comme un privilège, dans le sens on l'on y a accès uniquement de part sa naissance, que cet héritage soit le trône de France, un titre de noblesse ou une simple boîte d'allumettes. S'il est un privilège, l'héritage devient alors contraire au principe d'égalité, et donc aux principes fondateurs de notre nation.

Donc cher lecteur, je suis contre l'héritage, pas au nom d'une doctrine économique mais au nom des idéaux français, et toi, qu'en penses-tu ?

24 commentaires:

  1. Un lien vers Lomig!? Tu lis donc son blog en silence, et tu me laisses seul dans ma lutte... ;)
    Sinon, je trouve que tu y vas un peu fort, je trouvais ta première solution (celle qui amène un "isn't it") acceptable, car être contre la succession c'est radical.
    A la différence de l'époque pré-révolutionnaire, on hérite plus de statuts, de place dans la société, mais du fruit du travail de ses parents.
    Tu me diras que ça revient au même, car le riche héritier occupe une place de facto supérieure à celle d'un fils d'ouvrier issu de l'immigration, mais je trouve ça normal de vouloir et donc pouvoir léguer à sa descendance le fruit de sa vie de travail et de sa réussite.
    Sinon, j'ai remarqué dans mon travail que la mesure Sarkozy pour les primo-accédants à la propriété (crédit d'impôt d'un pourcentage des intérêts d'emprunt pendant les 4 premières années), se révélait vraiment utile pour la classe moyenne. Volà une mesure relativement sociale à mon avis.

    RépondreSupprimer
  2. Je ne vois aucun intérêt à participer aux discussions sur ledit blog, si un mec comme toi se fait traiter d'islamo-gauchiste que trouveraient-ils pour me caractériser ?

    Je suis en désaccord avec ton assomption qu'on hérite plus de statuts à la naissance, les cas d'enfants de politiques "héritant" de charges par volonté du prince (le fils Sarko par exemple, mais Debré, Mitterand, Bachelot ou plus bas), ceux qui héritent de postes directoires dans l'entreprise de Papa, les zenfants du show-bizz qui squattent mon écran de TV au point de me forcer à ne plus regarder que les infos, tout cela tend à prouver qu'au royaume de France on hérite encore de la charge de papa...

    Je comprends très bien le côté humain de vouloir léguer à ses enfants ce pourquoi on a sué, c'est juste que pour moi le principe de l'héritage est contraire à l'égalité, étant démocrate ET minoritaire j'ai donc pour seule option d'accepter les faits actuels en essayant de convaincre les autres de changer d'avis pour renverser la balance.

    La mesure pour les primo-accédants est certainement très utile aux classes moyennes, elle s'inscrit cependant dans une doctrine "officielle" qui voudrait de faire des français des propriétaires, hors cela est impossible (ou alors qu'on m'explique comment devenir propriétaire en touchant le SMIC ou le RMI), elle favorise donc l'accession à la propriété des plus forts économiquement, en prenant sur le pot commun pour cela, donc au détriment des plus faibles. Utile oui, sociale j'en suis moins persuadé.

    RépondreSupprimer
  3. Tu ne pourras pas taxer le piston mon pote.

    RépondreSupprimer
  4. D'abord dans ce cas on parle de népotisme, pas de piston jeune homme ;)

    Ensuite je ne veux pas le taxer, je veux le rendre si incompatible avec la moralité républicaine que plus personne n'ose y avoir recours, j'ai bien le droit de rêver non ?

    RépondreSupprimer
  5. Nous sort pas tes grands mots à la Criticus s'il te plait, on reste convivial..!
    Sinon, oui, rêvons, j'adore rêver!

    RépondreSupprimer
  6. Alors, là, pour un retour de vacances, c'est un sacré retour de vacances. Voici que Fabrice défend la fin de l'héritage par attachement républicain et non par gauchisme ? Je suis estomaqué...

    Plus sérieusement, la solution n°2 me convenait le mieux, et, bizarrement, j'irai exactement dans le même sens que toi. Tu as encore été piquer dans mes idées, non ?

    Les libéraux défendent les intérêts des individus. Tu te prends la tête avec leurs idées, mais dans le fond, le concept est le suivant : "gardons le maximum de pognon, par tous les moyens possibles." Leur morale ne sert qu'à justifier les inégalités. Plus je parle avec eux, plus cela m'énerve...

    Une dernière chose cependant : les rédacteurs de la DDHC étaient des bourgeois. Ils ont parfois été un peu emportés par les violences et par l'enthousiasme révolutionnaire, mais ils n'ont jamais voulu supprimer l'héritage. Ce qu'ils voulaient juste, c'était accéder au pouvoir politique et en virer la noblesse, puisqu'elle ne voulait pas partager. Malgré quelques turbulences, on constate chaque jour qu'ils y ont réussi...

    RépondreSupprimer
  7. C'est trop radical.
    Mathieu et Fab, on dirait du Lomig à l'envers, plus d'héritage, on rebalance tout dans un pot commun?
    vous voulez faire ressortir en moi le libéral caché?
    Pourquoi m'empêcherait on de léguer à ma descendance le pécule que j'ai réussi à gagner par mon travail?
    soit je vous ai mal compris, soit vous ne valez pas mieux que certains.

    RépondreSupprimer
  8. @ Manuel : moi, radical ? Je suis juste pour les droits de succession, et exactement de la manière que Fabrice a présenté dans la solution n°2. Lui est pour la suppression totale de l'héritage.

    Perso, tu peux parfaitement léguer des choses à tes gosses. La question est de savoir dans quelle proportion. Tous les héritages ne se valent pas, Fabrice l'a bien montré...

    RépondreSupprimer
  9. Sa première solution est de taxer l'héritage, ok, sa deuxième de le supprimer, pas ok

    RépondreSupprimer
  10. @ Manuel : alors, pour définir clairement ma position. Dans l'idéal, je suis pour la suppression de l'héritage, mais je constate bien que cette notion est importante pour la population, moi compris. La suppression de l'héritage me semble donc impossible à réaliser, en tout cas pour les petites choses de la très grande majorité de la population.

    Par contre, les gros héritages posent un vrai problème de reproduction sociale. Je suis donc pour leurs taxations, dans le sens que Fabrice décrivait.

    RépondreSupprimer
  11. Salut,
    je découvre seulement maintenant que j'ai été cité ici. Merci pour ce lien ;

    Je voudrais juste préciser un truc, concernant le sujet de ton billet : un libéral ne parle pas au nom de la "valeur travail"...les libéraux pensent que les valeurs sont des choses purement subjectives, individuelles. C'est au nom du droit de propriété que les libéraux condamnent la taxation de l'héritage. Ce qui a été acquis par des échanges libres, sans contrainte, et qui est donc la propriété de la personne qui décède, n'a pas à être retaxé (il a déjà payé des impôts de son vivant, non ?). C'est tout.

    Ne caricaturons pas nos positions, les uns les autres, cela nous permettra de continuer à échanger tranquillement.

    à bientôt !

    RépondreSupprimer
  12. Eh bien, je pars 2 jours et je retrouve un roman à lire !!!

    @ Manuel :

    Oui je suis radical, il faut bien parfois savoir nager à contre courant non ?

    @ Mathieu :

    Non je ne te pique pas d'idées, mais comme on a un peu le même cursus politique forcément....

    à Lomig : merci de préciser le point de vue libéral sur l"héritage, comme je le disait dans mon introduction je supposais leur avis, je me trompais sur les causes mais pas sur la finalité, c'est déjà ça ;)

    RépondreSupprimer
  13. Le point de vue libéral "classique" est qu'une succession doit être taxée : récupérer une fortune par héritage correspond à l'établissement d'une rente sans responsabilité. C'est même un des fondements du libéralisme : l'acquisition d'une fortune par voie d'héritage est un privilège.
    Et le travail en est également un fondement - majeur - vu que c'est lui qui permet la juste répartition des revenus.

    RépondreSupprimer
  14. @ Charlatan crépusculaire

    Faudrait vous mettre d'accord les gars, le libéralisme veut taxer l'héritage ou pas ?

    Pour ma part, le seul "libéral" que je connaisse (de réputation du moins, je ne fréquente pas ce milieu là moi...) qui soit contre l'héritage est Warren Buffet, pas vraiment un homme cité en exemple par les ténors libéraux français....

    RépondreSupprimer
  15. @fabrice
    Je suis sûr que tu en connais d'autres : Bill Gates, George Soros et quelques dizaines d'autres milliardaires américains.
    A la base, le libéralisme déclare qu'un capital transmis est inefficace économiquement (il n'incite pas au travail).
    PS : bien entendu, mes points de vue en ce domaine sont douteux vu que je ne suis pas libéral. :D

    RépondreSupprimer
  16. @ Charlatan Crépusculaire

    Bill qui ?? connais pas j'utilise Linux moa !!

    Par contre pour de vrai George Soros jamais entendu parler, je suis en train de lire sa wiki-biographie, je me coucherai moins con ce soir ;)

    RépondreSupprimer
  17. J'ajoute que c'est un débat brûlant aux Etats-Unis où Bush veut également diminuer les droit de succession. J'ai trouvé un blog liberal (UGA liberal) qui s'exprime sur le sujet : "The inheritance tax is really a guard against dynastic wealth. Dynastic wealth is not something that is conducive to a continually growing economy. There has been a proven trend that the more wealth one inherits the more likely they are to quit the labor market. Simply put, dynastic wealth is directly related to people working less. Winston Churchill described the estate tax as “a certain corrective against the development of a race of idle rich”."

    RépondreSupprimer
  18. C'est assez drôle ça, si je regarde ceux qui refusent l'héritage et ceux qui le défendent chez les ultra-riches, j'ai comme l'impression que ce sont ceux qui ont bossé (enfin...exploité les autres, je reste un sale gauchiste !!) qui sont contre et ceux qui n'ont pas fait grand chose d'autre qu'hériter qui sont pour....

    Une façon freudienne d'avouer leur incompétence et la nécessité pour ces médiocres d'avoir droit à l'héritage pour faire partie de "l'élite" économique (à défaut de l'élite intellectuelle) ?

    RépondreSupprimer
  19. CC, je ne pensais pas que les libéraux étaient de cet avis, j'aimerais bien d'ailleurs quelques réactions histoire ne savoir si oui ou non ils veulent taxer l'héritage.

    Fab, Je vais toucher moins d'héritage que toi, pourtant je suis pour un héritage taxé, mais héritage quand même...
    T'es pire qu'un sale gauchiste, un sale comm...

    RépondreSupprimer
  20. @ Manuel

    sale coco tendance NPA même....

    RépondreSupprimer
  21. Politiquement, un des fondements du libéralisme est l'abolition des privilèges, ce qui a conduit entre autre à la révolution française. L'héritage étant un privilège en soi (privilège = quelque chose obtenu sans rapport avec ses mérites personnels), il est incompatible avec le libéralisme en termes politiques. Donc, au minimum, doit être taxés.

    Economiquement, deux approches libérales critiquent le principe de succession. Primo, le travail est la seule valeur permettant une répartition juste des revenus. Une succession n'étant pas le fruit du travail ne doit pas perturber cette répartition, donc au minimum, doit être taxée (un moindre mal comme dit Churchill). Secundo, la rente provenant d'une succession n'incite pas au travail donc elle est improductive, donc au minimum, doit être taxée.

    Certains libéraux demandent des taxes de 50% sur les successions.

    Quant au droit à la propriété, il n'a de sens que dans le cadre de l'efficacité économique. Il n'a pas de sens moral en l'occurrence puisque la propriété n'existe plus du fait du décès du propriétaire (d'où la notion de transmission).

    RépondreSupprimer
  22. Si l'héritage est incompatible avec le libéralisme alors tout libéral qui se respecte devrait être opposé à son existence, vouloir le taxer c'est un peu prouver qu'on a des idéaux à géométrie variable suivant sa situation personnelle non ?

    Quand au droit à la propriété, il faudrait pas mal de temps pour le définir, si chaque humain est propriétaire de son corps, c'est bien là la seule expression "naturelle" de ce droit, l'étendre à un objet c'est déjà imposer une norme sociale dont on peut discuter des mérites. Mes tendances "gaucho" (sale comm. dirait Manuel) tendraient à me faire dire que s'il doit exister un tel droit, il devrait se limiter à des biens de jouissance personnelle, à l'exclusion de tout moyen de production, à ce titre les expériences d'autogestion menées en Argentine me semblent intéressantes.

    RépondreSupprimer
  23. Eh bien, je pense que les libéraux, comme dans toute religion, ont des interprétations adaptées aux circonstances et aux individus.
    Quant à la propriété, elle correspond à l'expression de la volonté de puissance, donc, forcément quelque chose de difficile à remettre en cause dans notre civilisation.

    RépondreSupprimer
  24. eh! les gars et le capital social (intellectuel, relationnel, moral, and so ...) vous le taxez comment ?

    D'accord pour taxer fort le capital matériel mais l'autre n'est pas moins important ... et c'est peut être ça qui fait avancer les sociétés ?

    Memettaxi

    RépondreSupprimer