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dimanche 24 octobre 2010

Tirons une leçon du mouvement contre la réforme des retraites.

Ce qui est finalement le plus inquiétant, dans le mouvement des retraites, est la lumière faite sur une démocratie en état de décomposition avancée. De droite comme de gauche, nous devrions tous nous en inquiéter, au lieu de nous y vautrer.

Au début de l'année, le président de la République annonce une réforme qu'il va tenir apparemment jusqu'au bout en l'adaptant à peine à l'extrême-marge. Dans ce processus, l'ensemble des acteurs de notre système démocratique sont bafoués : les syndicats ne sont pas consultés, les autres partis politiques à peine, le parlement qui tente régulièrement de faire évoluer ce texte doit finalement réduire ses débats au minimum et n'accepter que les amendements tolérés par le gouvernement. L'impression qui ressort de tout cela est une évidence : le gouvernement peut faire ce qu'il veut, comme il le veut, sans qu'une opposition institutionnelle réelle puisse se mettre en place.

On pouvait à ce moment-là espérer que la rue se substitue et prenne le contrôle des choses. Finalement, jusqu'à maintenant, ce n'est pas du tout le cas. Les syndicats ont organisé un mouvement, au départ, très peu contestataire : quelques grandes manifestations, certes impressionnantes, mais qui n'inquiétaient pas plus que cela le pouvoir. Ces dernières semaines, les choses se sont radicalisées mais sans soulever l'ensemble des Français. Certes, des salariés de certains secteurs se sont fortement mobilisés, mais sans jamais parvenir à déclencher une grève majoritaire et sans paralyser le pays. Même s'il faut faire la queue une heure pour avoir de l'essence, on ne peut pas dire que notre vie en soit radicalement transformée.

Dans ce petit bras de fer, les acteurs ont donc cherché, avec une certaine insistance, la position de la population. Ah, comment savoir ce que peut bien vouloir le peuple... On a donc, de tous les côtés, commandé des sondages, dont on sait pourtant qu'ils sont aisément manipulables et réalisés dans des conditions toujours discutables. Ainsi, dans les grands débats organisés dans nos médias, on a pu voir les partisans des deux camps se jeter les mêmes chiffres à la figure en affirmant détenir le soutien de la majorité. Sans aucune preuve concrète.

Dans ce jeu stupide, les médias ne sont pas en reste. Pour illustrer l'avis du bon peuple, on rajoute une louche de sondages et surtout, les habituels micro-trottoirs où un bon Français donne son avis. Souvent, ces petits reportages sont au mieux risibles. Voici que, sur TF1, on interroge un passant de Neuilly-sur-Seine qui, bien évidemment, déclare sa haine de ces infâmes grévistes privilégiés qui l'empêchent de mettre de l'essence dans sa Porsche... Pendant ce temps, sur Arte, voici un enseignant qui dit comprendre les grévistes. Sur France 2, un médecin libéral se plaint de ne pas pouvoir remplir sa voiture d'essence pour aller faire sa tournée, alors que sur une autre chaîne du service public, un médecin hospitalier rejette la réforme. Le pire a pour moi été d'entendre l'habituel langue de bois ressassant toujours les mêmes marronniers que nous devrions considérer comme justes : les Français sont nuls en économie, les Français sont des enfants qui refusent une réforme inévitable, les Français en ont marre de ces prises en otage, les Français ont besoin de l'essence pour vivre, les Français veulent la fin du statut de la fonction publique, les Français sont fatigués de cette élite bourgeoise qui prend des décisions qui ne la touchent pas directement...

Au final, quelle est l'opinion majoritaire ? Les sondages n'ont pas arrêté de dire deux choses totalement contradictoires : les Français soutiennent le mouvement de grève mais ils pensent la réforme inévitable. On pourrait trouver nos concitoyens totalement incohérents mais il faut bien prendre en compte les facteurs pouvant expliquer ces réponses. Pour moi, la réforme était effectivement inévitable, non pas parce qu'elle aurait permis de sauver le système de retraites, mais parce qu'elle était portée par un gouvernement que personne ne peut bloquer. D'un autre côté, les Français disent soutenir le mouvement mais ils se gardent bien de s'y engager eux-mêmes. Là encore, on assène souvent que la majorité des Français ne peut faire grève et agir parce que la vie est dure et que la crise économique frappe. Cependant, il y a eu de nombreuses manifestations, y compris en week-end, et tout le monde pouvait s'y associer. De même, l'histoire a souvent montré que, même lors de crises économiques terribles, nos concitoyens pouvaient parfaitement se soulever et prendre de réels risques (souvenez-vous de 1848, de 1871, de 1936 et même de 1995). Aujourd'hui, rien de tel.

Les défenseurs du président de la République se ruent sur cette inactivité pour prouver que les Français, à cause de ces sondages contestables (qu'ils n'hésitent pourtant pas à utiliser lorsqu'ils sont de leur côté), soutiennent la loi. Pourtant, rien n'est moins sûr. Qui a aujourd'hui une preuve réelle de l'opinion de la population ? Je vais te répondre, cher lecteur, pour que tout soit clair : personne, rigoureusement personne ! Nous ne pouvons connaître que l'avis de nos proches (famille, travail, amis...) avec qui on a souvent de nombreux points communs idéologiques. Je peux te faire d'ailleurs un sondage : 70% de mes connaissances sont contre cette réforme. Puis-je conclure qu'il faut la rejeter ?

Il n'existe réellement que deux moyens de connaître l'avis des Français :

  • convoquer un référendum,
  • dissoudre l'Assemblée nationale et faire une élection.
Personnellement, je penche largement pour la première. Un référendum oblige le citoyen à s'intéresser réellement à la question posée et à quitter les simples invectives qui résument le débat politique actuel. Il doit se forcer à aller vérifier les chiffres, à peser les idées en présence, et finalement faire un choix. Là encore, les partisans de la démocratie pour une minorité vont crier au populisme, au risque de manipulation, à la bêtise naturelle du citoyen... Je pourrais moi-même le faire d'ailleurs, faisant partie de ce groupe de gens qui peut faire grève sans prendre trop de risques, par crainte que mes concitoyens choisissent de soutenir cette réforme réactionnaire.

Je peux cependant te rassurer, cher lecteur, ce référendum n'aura pas lieu. A force de pratique politique, j'ai pu identifier un point commun général à l'ensemble des camps et des acteurs de notre démocratie : tout le monde est d'accord pour que la nation s'exprime globalement le moins souvent possible. Une fois tous les cinq ans, hein, les gars, ça suffit. Surtout, ne surgissez pas dans le débat. On ne vous aime tellement pas qu'il est hors de question qu'on vous consulte même sur des sujets où on est sûr que vous serez d'accord. Pourquoi ? Parce qu'on ne vous connaît pas, on ne vous voit jamais (une fois tous les cinq-six ans pour se faire réélire) et on se fiche totalement de vous.

Personnellement, je suis prêt à prendre le risque de me prendre une tôle et de voir cette loi nullissime passer. Je crois en effet que, si les arguments des opposants à la réforme sont si forts, il n'y a pas à craindre d'affronter nos adversaires dans un réel débat public. De plus, il est important d'obliger nos concitoyens à prendre une vraie décision, claire et nette, car dans ce débat stérile, ils ont clairement exprimé une chose : le refus de prendre leurs responsabilités. On n'embêtera pas le gouvernement qui fait ce qu'il veut, mais on soutient les grévistes sans rien faire soi-même.

A quoi cela sert-il d'être citoyen et de vivre dans une démocratie si c'est pour laisser d'autres que vous-même faire le boulot ?

mercredi 20 octobre 2010

Un progrès facteur de régression.

Pour la première fois, un authentique progrès va entraîner une régression de notre droit social.

Depuis le début de la première révolution industrielle, l'espérance de vie n'a cessé de croître. Aujourd'hui, on tourne en France, en moyenne aux alentours de 85 ans d'espérance de vie, avec une forte différence entre hommes et femmes. Les mâles français sont en effet moins suivis par le corps médical et ont une hygiène de vie moins bonne que celle de leurs conjointes. Contrairement à ce que l'on avance souvent, les hommes pourraient donc avoir la même espérance de vie que les femmes et des progrès sont donc encore possibles.

En France, cette évolution a été possible à la fois par les progrès de l'alimentation, du système de santé, des conditions de travail, du système d'éducation et par la prise en charge par la collectivité du coût des soins. Il est d'ailleurs intéressant de constater que notre pays a longtemps été à la tête du classement de l'OMS des meilleurs systèmes de santé, jusqu'à 2007 où nous avons commencé doucement à descendre...

Nous voici donc avec une vie bien plus longue que celle de nos ancêtres. Eh bien, c'est à cause de cette hausse de l'espérance de vie que nous allons être sanctionné et devoir travailler plus.

Ce choix va à l'inverse de toutes les évolutions des deux siècles derniers. Pour résumer, nos sociétés n'ont pas  cessé de produire davantage de richesses d'une année sur l'autre. En parallèle, la productivité n'a cessé de croître. L'agriculture en est le symbole le plus fort : il ne faut pas oublier qu'en 1789, sur les 30 millions de Français, 24 étaient agriculteurs et avaient de grandes difficultés à nourrir l'ensemble du groupe. Aujourd'hui, avec à peine 3,3% d'agriculteurs, nous croulons sous le poids de notre nourriture.

Cette évolution s'est accompagnée d'une décrue régulière du temps travaillé par chaque individu. Le salarié entre de plus en plus tard sur le marché du travail, travaille de moins en moins longtemps chaque semaine et chaque année et part en retraite de plus en plus jeune...

...jusqu'à cette année, où nous allons prendre le chemin inverse, car c'est définitif, cher lecteur, il y a trop de vieux dans ce pays.

Voilà donc l'argument développé par les soutiens de cette réforme. Nous vivons de plus en plus vieux, ce qui devrait nous obliger à travailler plus longtemps. On ignore pourtant que la richesse continue de croître régulièrement (même si c'est moins rapidement que durant les Trente Glorieuses) ce qui devrait plutôt nous amener à travailler toujours moins.

On utilise donc un progrès pour justifier une régression. Voilà un bel exemple de rhétorique qui, je le crains, risque de resurgir rapidement dans de nombreux autres sujets.

mercredi 30 juin 2010

Les fonctionnaires, ces fainéants, partent en retraite à 55 ans.

Dimanche, j'avais le droit à un moment important dans ma vie de famille : un déjeuner avec parents et cousins dans un restaurant parisien, plus particulièrement dans la rue des Rosiers. Nous allons y déguster du pastrami, ce qui nous rappelle Montréal et son smoked meat, que je te conseille vivement de goûter si tu passes par là. Attention, pour cela, il faut que tu ailles sur le boulevard Saint-Laurent chez Schwartz's. On dirait une gargotte vendant des produits avariés, mais c'est vraiment excellent.

Enfin, ce n'est pas le sujet. Dans ce restaurant, nous avons stationné un long moment. Tu connais les repas de famille, cher lecteur. On s'y installe, on mange, et on papote, et puis on mange et on mange encore. Le pastrami n'étant pas une nourriture légère, j'ai progressivement commencé à somnoler et à délaisser les discussions familiales, mais j'ai été réveillé par le couple voisin.

Ils s'étaient installés là bien après nous. Ils ont commencé par une longue discussion sur leurs emprunts immobiliers, m'indiquant ainsi un niveau de revenus bien supérieur aux miens. La jeune femme, en particulier, se plaignait de ses difficultés à trouver un logement à Paris alors qu'elle disposait de 500 000 € de capacité d'investissement...

Après quelques nouvelles minutes de somnolence, je suis brutalement réveillé par un débat sur les retraites. Ah, dès qu'on tend l'oreille, on entend vraiment n'importe quoi. Nous étions quelques jours après cette grève très suivie du 24 juin, et les deux tourtereaux commencèrent à dire qu'ils étaient, eux, vraiment privilégiés et que leurs situations leur permettaient de ne pas s'en faire pour l'avenir. Je recommençais alors à divaguer en me disant qu'on ne pouvait pas vraiment être sûr de l'avenir et qu'il fallait être bien confiant pour se voir déjà à 67 ans quand on en a à l'évidence pas plus de 25.

Mais le jeune homme m'a ramené dedans, car il était passé maintenant à l'attaque contre les fonctionnaires. Je te restitue sa phrase : "oui, mais les fonctionnaires, ils abusent quand même, parce qu'ils partent à 55 ans à taux plein et ils trouvent encore le moyen de se plaindre en plus."

Ah, enfin, les vieux privilèges des fonctionnaires ressortaient. C'est marrant, parce que je m'étais amusé (si on peut dire), à estimer ma situation sur ce plan avec le projet gouvernemental. En clair, si je veux partir à taux plein et dans les meilleures conditions, je devrais attendre 67 ou 68 ans, en fonction des scénarios, sauf si le gouvernement maintient l'obligation de départ des fonctionnaires à 65 ans à taux plein, ce qu'il fera sans doute puisqu'il nous aura remplacé d'ici là par des profs en CDI, et il voudra se débarrasser de nous au plus vite. Donc, dans le meilleur des cas, je partirai à 65 ans.

Il y a bien eu, dans le passé, des personnes travaillant pour des EPIC et partant dès 55 ans, mais il faut bien comprendre qu'il s'agissait de plans mis en place par l'État pour se débarrasser de salariés rapidement. Il y a tout de même des fonctionnaires qui partent tôt, mais ce sont des catégories C, payés très mal, qui effectuent des tâches de niveau de qualification 5 ou 4 et qui ont donc commencé à travailler tôt. Tiens, dans mon lycée, une femme de ménage vient de partir à 58 ans, mais après avoir travaillé 39 ans et avec des annuités de moins pour cause d'enfants.

J'ai eu une furieuse envie d'intervenir et de parler avec ce couple et de leur expliquer qu'ils disaient une connerie. Cependant, j'ai hésité puis j'ai abandonné, estimant que je n'aimerai pas qu'on m'interrompe lorsque je suis à table avec ma femme pour m'expliquer que je dis une connerie. Je ne sais pas, cher lecteur, si tu l'aurais fait. Est-ce convenable ?

En attendant, les idées fausses continuent de circuler dans la population sur les retraites. Merci aux médias.

jeudi 24 décembre 2009

No Sarkozy Day : on virerait le bonhomme, mais les idées...

Depuis le succès du "No Berlusconi Day", une initiative a été lancée en France d'organiser un "No Sarkozy Day". Un site a été monté, de même qu'un groupe Facebook, qui a déjà plus de 300 000 membres, et Twitter. Au départ, j'ai adhéré au groupe Facebook, en me disant que toute initiative visant à ennuyer le président de la République ne pouvait être que positive. Je reste tout à fait persuadé que la politique de Sarkozy est un vrai danger pour notre pays, et je ne vais surtout pas me priver du projet d'une belle manifestation.

Mais je doute du succès réel de ce mouvement. On peut tout à fait admettre tous les mauvais côtés de la personnalité de notre président, mais il y a trois réserves fortes qu'il faut énoncer avant de se lancer.

Tout d'abord, il est évident que Sarkozy ne démissionnera pas, sauf s'il pense que la pression est très forte, ce qu'une simple manifestation ne suffira pas à dire. En Italie, Berlusconi n'a pas cillé. Nous irons donc manifester et puis nous rentrerons chez nous, et le président sera toujours là.

Ensuite, la focalisation sur la personne du président risque d'oblitérer la nécessité d'un véritable travail idéologique à gauche pour contrer les idées du président et non pas le président lui-même.

Car la troisième réserve est bien là : si le président part, qui aura-t-on à la place, et avec quel programme ? Il y a tout de même un fort risque de se retrouver avec un autre président de droite mettant en valeur les mêmes idées et appliquant les mêmes politiques.

Alors, manifester contre Sarkozy, pourquoi pas, mais en sachant bien que nous avons aussi, à gauche, à préparer une véritable alternative idéologique et politique crédible. Sans cela, on pourra toujours manifester et même virer le président, mais on restera dans la même situation.

Manifestons et travaillons ! Le véritable "No Sarkozy Day" se déroulera en 2012, et il ne faut pas l'oublier.