lundi 18 août 2008

Que sont-ils devenus ?

Entre le 21 avril et le 5 mai 2002, une fois passé le cap de l'acceptation du cataclysme qui secouait le monde politique français, les médias ont, pour une fois, effectué un remarquable travail journalistique, cherchant pour la première fois à identifier et essayer de comprendre les différentes strates des électeurs du Front National. Ne s'arrêtant pas à l'archétype du beauf inculte et plein de haine, ils ont suivi les parcours de plusieurs primo-votants, cherchant à comprendre ce qui fédérait 18% de la population autour d'un individu porteur d'idées aussi tranchées.

Ce qui m'avait frappé en regardant alors ces reportages, ce n'était pas tant l'exode massif des votes du prolétariat vers l'extrême droite, les déceptions répétées de la gauche au pouvoir, les vexations quotidiennes et la nécessité, trop humaine, de trouver un exutoire à sa colère avaient naturellement conduit ces couches de la population à une profonde défiance du politique, défiance qui les conduisait à vouloir "tout faire péter", non, ce qui m'avait alors grandement surpris c'était cette jeunesse plutôt aisée et cultivée, bien propre sur elle, qui assumait facilement un profond mépris de l'étranger et une fascination pour le fascisme, dont ils se voyaient évidemment faire partie de l'élite. Quelle pensée étrange pouvait donc leur faire imaginer que le pouvoir brutal et vindicatif du "petit ayant pris sa revanche" les épargnerait, eux qui étaient l'image même de ceux qui provoquaient l'ire populaire, pédants, drapés dans leur culture livresque ?

Et puis, la vie étant ce qu'elle est, surtout quand on a moins de 25 ans, j'ai vite oublié ces reportages, occupé à vivre l'amour qui venait de me trouver un matin de juillet (oui, entre avril et juillet il y a du temps qui a passé, mais si vite....), et je suis retombé dans le stéréotype, le monde se divisait en deux catégories, la gauche et la droite, les extrêmes ne regroupant que les déçus de la vie et les revanchards.

Et puis il y a eu l'élection présidentielle de 2007, avec un discours sécuritaire prédominant chez les deux principaux concurrents, teinté d'humanisme bon teint chez l'un et d'un simili-racisme à but populiste chez l'autre, "hola" me suis-je dit "on chasse sur les terres de Le Pen, espérons que les brebis égarées ne se laisseront pas séduire par ces discours simplistes".... Et j'ai eu tort, non pas d'espérer que les masses se montreraient perspicaces, je crois toujours que c'est en éduquant qu'on forme les esprits critiques, mais de me cantonner à une vision simpliste de la réalité de l'électorat FN. Les vieux ont fait gagner Sarko ? Bof, il fait de bons scores dans toutes les catégories d'âges, et même, à mon plus grand désarroi, dans la mienne, que je pensais ouverte sur le monde et un peu moins malléable que les autres....

C'est le taulier principal, Mathieu L., qui m'a fait prendre conscience de mon erreur. En mauvais trentenaire je n'étais pas bloggeur, peu intéressé par la vie des autres, ou alors vraiment pour tuer le temps au boulot quand il fait trop moche dehors pour aller compter le nombre de pâquerettes écloses dans les jardins de ma ville. Sur son blog j'ai découvert l'existence d'un courant de pensée donc j'ignorais l'existence, un courant discret, qui n'ose pas dire tout haut ce qu'il est réellement, mais qui semble rassembler un certain nombres d'individus (en grand naif je crois à l'unicité des pseudos sur un blog, qui prendrait la peine de s'inventer plusieurs alias ?). Ce courant, que je qualifierai de libéralo-fasciste, me fait beaucoup plus peur que le FN d'avant, parce-qu'il a su gagner les faveurs de personnes qui m'ont l'air censées et réfléchies...
Libéralo parce-que ses défenseurs prônent un libéralisme total, pas de régulations, laissons les choses s'équilibrer seules; à la rigueur je peux accepter cette idée, même si elle va à l'encontre de mes convictions, j'y verrais une sorte d'anarchisme de droite, la recherche de la liberté même si elle ne va pas dans mon sens me semble la meilleure des choses
Fasciste parceque derrière le discours, on discerne certains travers : l'acceptation que le vrai libéral (libertaire donc ?) doit se plier au fait que certaines libertés ne sont pas bonnes à donner, un élitisme culturel qui frise la prétention stupide quand il suppose que les immigrés sont incultes, et qu'à ce titre ils devraient se plier à devenir des clones du "bon français", une profonde peur aussi de la culture extérieure, alimentée je suppose par une crainte que la culture française soit à ce point fragile qu'elle ne puisse absorber les autres sans y perdre son identité, et enfin, l'un des points communs à tous les intervenants que je classe dans ce groupe : la haine profonde et viscérale de l'Islam, violente, intolérante au même rang que ce qu'elle prétend combattre,accusatrice, juge et bourreau de ce qui ne se fond pas dans la coutume judéo-chrétienne.
C'est la troisième tête de ce blog qui se frotte à eux le plus souvent, moi j'ai abandonné sur les conseils d'un bloggeur zinfluent qui m'a un jour répondu "laisse tomber c'est un con".

Alors voilà, après 6 ans j'ai ma réponse : les jeunes fachos de salon qui fêtaient la présence de Le Pen au deuxième tour n'ont pas changé, ils sont juste plus vieux et se sont payé un abonnement internet...

3 commentaires:

  1. Bravo, excellent article, même si je ne suis pas si sûr que ces gugusses soient très nombreux. A mon avis, quelques-uns bloguent, quelques dizaines lisent, et cela ne va pas tellement plus loin...

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  2. d'abord merçi du compliment, c'est toujours agréable quand le taulier, membre de l'establishment, vous félicite !!

    Je suis assez d'accord avec toi, je ne pense pas qu'ils soient très nombreux, c'est plus la perméabilité de la culture au fascisme qui m'inquiète, quand les penseurs se laissent aller à la facilité (et dans noter beau pays c'est à la mode depuis une dizaine d'année, il suffit de voir ce que sont devenus les "nouveaux philosophes") ils laissent le champs libre à la bêtise. Et si cette bêtise s'institutionnalise dans les sphères cultivées, elle se répendra d'autant plus facilement dans les autres couches de la population.

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  3. Fabrice tu m'as épaté là, y'a même quelques touches d'humour...
    A Mathimat, je dirai que les gugusses qui bloguent sont représentatifs de la société, donc et je suis persuadé qu'ils sont assez nombreux à être de la trempe des Lomig et autres libéralos-islamophobes de base.
    Nos élites ont de toute façon décidé à nous jouer la chanson américaine de la peur, et pour avoir peur, il faut un ennemi, autrefois le Juif, on en a trouvé un encore plus "méchant", l'Islamiste!

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