Pour la première fois, un authentique progrès va entraîner une régression de notre droit social.
Depuis le début de la première révolution industrielle, l'espérance de vie n'a cessé de croître. Aujourd'hui, on tourne en France, en moyenne aux alentours de 85 ans d'espérance de vie, avec une forte différence entre hommes et femmes. Les mâles français sont en effet moins suivis par le corps médical et ont une hygiène de vie moins bonne que celle de leurs conjointes. Contrairement à ce que l'on avance souvent, les hommes pourraient donc avoir la même espérance de vie que les femmes et des progrès sont donc encore possibles.
En France, cette évolution a été possible à la fois par les progrès de l'alimentation, du système de santé, des conditions de travail, du système d'éducation et par la prise en charge par la collectivité du coût des soins. Il est d'ailleurs intéressant de constater que notre pays a longtemps été à la tête du classement de l'OMS des meilleurs systèmes de santé, jusqu'à 2007 où nous avons commencé doucement à descendre...
Nous voici donc avec une vie bien plus longue que celle de nos ancêtres. Eh bien, c'est à cause de cette hausse de l'espérance de vie que nous allons être sanctionné et devoir travailler plus.
Ce choix va à l'inverse de toutes les évolutions des deux siècles derniers. Pour résumer, nos sociétés n'ont pas cessé de produire davantage de richesses d'une année sur l'autre. En parallèle, la productivité n'a cessé de croître. L'agriculture en est le symbole le plus fort : il ne faut pas oublier qu'en 1789, sur les 30 millions de Français, 24 étaient agriculteurs et avaient de grandes difficultés à nourrir l'ensemble du groupe. Aujourd'hui, avec à peine 3,3% d'agriculteurs, nous croulons sous le poids de notre nourriture.
Cette évolution s'est accompagnée d'une décrue régulière du temps travaillé par chaque individu. Le salarié entre de plus en plus tard sur le marché du travail, travaille de moins en moins longtemps chaque semaine et chaque année et part en retraite de plus en plus jeune...
...jusqu'à cette année, où nous allons prendre le chemin inverse, car c'est définitif, cher lecteur, il y a trop de vieux dans ce pays.
Voilà donc l'argument développé par les soutiens de cette réforme. Nous vivons de plus en plus vieux, ce qui devrait nous obliger à travailler plus longtemps. On ignore pourtant que la richesse continue de croître régulièrement (même si c'est moins rapidement que durant les Trente Glorieuses) ce qui devrait plutôt nous amener à travailler toujours moins.
On utilise donc un progrès pour justifier une régression. Voilà un bel exemple de rhétorique qui, je le crains, risque de resurgir rapidement dans de nombreux autres sujets.
Salut Mathieu,
RépondreSupprimerune interview de Bernard Friot sur France Inter diffusée en septembre 2010 traite en partie du sujet que tu développes. Ca complète bien ton billet je trouve. De plus le dialogue est très intéressant.
Je pense qu'en auditeur assidu tu as déjà dû l'entendre:
http://le.poil.dans.la.main.over-blog.com/ext/http://www.la-bas.org/article.php3?id_article=1979
Ciao
@ Seco : je connais bien Friot. Cependant, je n'ai pas écouté cette émission. Je vais m'en occuper.
RépondreSupprimerle papy boom est un réalité : s'il s'était étalé un peu plus, peut-être que la réforme aurait pu être moins brutale, et surtout pas tout de suite (les politiciens aiment bien retarder au max). Le fait est que le problème est là. On peut effectivement chercher à taxer toujours plus les transactions, le capital etc. etc.
RépondreSupprimerMais c'est un petit danger que de compter sur des valeurs qui bougent sans cesse : c'est beaucoup plus sûr de faire financer les retraites par le travail lui-même, non ?
Beau billet !
RépondreSupprimerPas un mot sur le rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de retraités, pas un mot sur l'inflation, pas un mot sur la hausse des dépenses de santé et de la dépendance, pas un mot sur la dette sociale, pas un mot sur le déficit du budget...
RépondreSupprimerC'est vrai, tout va bien.
@ Vallenain et Tzatza : vos arguments sont intéressants mais ne sont pas en rapport avec le billet.
RépondreSupprimerJe n'ai jamais dit que tout allait bien. J'ai dit qu'on utilisait un progrès pour justifier une régression.
@ Nicolas : merci.
@matthieu : beau billet ! (ah zut, l'autre l'a déja dit avant moi... Bon ben je vais devoir trouver autre chose putain...). Je recommence :
RépondreSupprimer@matthieu : effectivement, une fois de plus, nos gouvernants choisissent le nivellement par le bas plutot que par le haut. Selon ce même genre de raisonnement avec l'âge, qui se nomme un truisme (c'étipas cochon !), on pourrait proposer à nos ouvriers surprotégès de gagner la même chose que leurs homologues chinois, ya pas de raison qu'ils gagnent plus, il faut qu'ils apprennent à se montrer un peu plus compétitifs, nom de bois !
Sérieusement, Matthieu L. , t'as vu la vidéo de Brard dénichée par celle qui partage si volontiers son avis ? ça, c'est de la représentation populaire, sans être populiste, et bien léchée. Comme quoi On peut faire de la pédagogie, être vraiment à gauche, et demeurer élégant.
@ GdC : je te signale que l'argument des ouvriers chinois est régulièrement utilisé par la droite française. Ce n'est donc pas une idée nouvelle, malheureusement...
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