mercredi 17 septembre 2008

Une proposition libérale : le revenu d'existence, le retour.

Comme tu as pu le lire dans mon billet précédent, cher lecteur fidèle, je m'intéressais grandement au programme libéral présenté par René Foulon sur son blog, et particulièrement à une mesure proposée : le revenu d'existence. J'avais présenté quelques critiques et réflexions à ce propos dans un billet précédent.

René Foulon a répondu et clarifié quelques points, car je n'avais pas été le seul à réagir. Je dois te dire que ma première réaction a été l'agacement profond. Mon contradicteur a en effet trouvé opportun de me classer dans un groupe politique particulier, qu'il a présenté comme étant de "philosophie collectiviste". Je dois te dire que ce type de rhétorique me gène, au moins sur deux aspects:
  1. Tout d'abord, il vise à discréditer le contradicteur auprès des autres lecteurs du blog. En effet, la plupart d'entre eux sont libéraux, ce qui signifie que je ne fais pas partie du cénacle. Je suis donc immédiatement discrédité et mon argumentaire, collectiviste par essence, ne peut donc être que bêtement contre. Ce type de raisonnement marque la volonté de me classer comme un opposant pavlovien (c'est à la mode). Or, j'ai posé des questions simples et appuyé un raisonnement auquel René Foulon n'a pas complètement répondu, préférant se concentrer sur les remarques de Criticus. Si tu ne le connais pas, cher lecteur, Criticus se dit proche politiquement du sieur Foulon, et ils cogèrent ensemble, avec LOmiG, le réseau LHC.
  2. Ensuite, cette logique amène à ne pas répondre à toute une partie de mon argumentation, puisque je suis collectiviste, et donc inaudible par essence. C'est malheureux, car je posais des questions que j'estime légitime.

Passons sur cette série de divagations personnelles (tu remarqueras que je suis un sentimental, cher lecteur) et allons au fond. L'auteur a quand même eu la volonté de préciser les modalités de son revenu d'existence (RE). Comme je l'avais supposé, il considère que notre société, développée et moderne, ne peut supporter l'extrême pauvreté, et propose donc le RE. Cependant, le montant qu'il avance pour cette aide est très bas, puisque René le met en-dessous du RMI actuel, ce que je situe autour de 300 € pour une personne seule (mais peut-être va-t-il plus bas). Cette somme est totalement insuffisante pour accéder aux biens fondamentaux, y compris au logement. Elle doit juste permettre à une personne de pouvoir survivre.

Car là est le fond de l'argumentaire. Contrairement à moi, l'auteur estime que le travail est une obligation inhérente à l'homme. le RE ne doit donc être qu'un moyen de survivre pour pouvoir se remettre en cas de coup dur, et de redémarrer ensuite. Il ne permet cependant pas de vivre, car l'auteur semble considérer qu'une rente trop élevé risque d'amener à l'absence de travail, suivant ainsi les argumentaires traditionnels sur le RMI et les ASSEDIC. Il s'agit donc de faire un peu de social sans en faire trop.

En y réfléchissant bien, je dois te dire que je suis persuadé que cette somme ne servira en rien à personne, et je te fais le tableau par groupe social :

  • Pour les riches, ces 300 € par mois ne seront rien du tout. Ils passeront dans le budget comme une gouttelette d'eau dans la mer. Les plus aisés seront sans doute toujours en train de râler contre les cotisations à payer pour toucher une somme dont ils n'ont finalement rien à faire.
  • Les classes moyennes pourront toujours utiliser cela pour faire un peu d'épargne ou mettre du beurre dans les épinards dans un moment de crise. La somme pourra être marquante pour certains niveaux de revenus. Pour moi, je le sais, cette somme mensuelle représentera une hausse de 13,9% de mon pouvoir d'achat, et ce n'est pas rien.
  • Pour les pauvres salariés, ces 300 € seront réellement vitaux, car, pour une personne au SMIC, la somme tournerait autour de 31% du salaire touché. Toute une catégorie de la population serait donc dépendante du RE.
  • Pour les exclus, la somme serait vitale mais ne permettrait pas une vie correcte en attendant de pouvoir s'en sortir. Les chômeurs touchant juste le RE s'en sortirait encore moins bien que les RMIstes actuels, alors que ceux-ci sont déjà dans une misère totale.

Il faut ajouter à cela que pour l'auteur, les autres prestations seraient toutes supprimées pour verser ce RE, qui deviendrait donc la seule ressource pour tout assumer, santé comprise ! Le RE, à mon avis, ne servirait à rien pour les exclus, et n'aurait finalement une utilité que pour les pauvres, les classes moyennes en ayant un usage plus modéré.

Mais je vois derrière cela un processus encore plus pervers. Je suppose que ce sont les cotisations-chômage qui serviront à financer le RE. Or, le patronat pourra alors considérer que le RE est une forme de revenu, puisqu'il paie des cotisations qui vont directement dans la poche des citoyens. N'exigera-t-il pas que le RE soit inclus dans le calcul du salaire minimum ? Dans ce cas, on aurait une diminution du coût du travail pour les entreprises, financée par l'ensemble de la collectivité pour maintenir le pouvoir d'achat alors que ce dispositif n'est pas efficace pour les vrais exclus.

On arriverait donc à la situation suivante :

  • Une mesure inefficace pour les plus pauvres.
  • L'abandon d'aides pour supporter le chômage qui sont aujourd'hui plus utiles et qui coûtent la même chose.
  • Le renoncement à une action collective pour traiter des problèmes sociaux.
  • Une baisse potentielle de versement de salaire pour les entreprises qui peut très bien servir à investir mais qui peut aussi aller vers le capital, donc vers les plus aisés.
  • Une dépendance, de manière assez paradoxale, d'une grande partie de la société à ce RE, parmi les salariés eux-mêmes.

Je dois te dire que tout cela me laisse perplexe, et qu'au final, je n'en vois pas l'intérêt. Je préférerai autant qu'on m'augmente un peu moins mon salaire, que cela fasse augmenter mes contributions sociales et que j'ai le sentiment de gagner honnêtement mon salaire. L'abandon complet du collectif qu'implique le RE ne me semble pas en valoir la peine.

Maintenant, bien sûr, cher lecteur, le débat est ouvert...

10 commentaires:

  1. Je suis de plus en plus convaincu que ces soi-disant libéraux sont soit des grands naïfs, soit des fieffés manipulateurs (probablement des naïfs manipulés).
    Leur combat contre les divers éléments de la protection sociale en est un bon exemple. Pour moi, on utilise "protection" pas parce les gens ont besoin d'être rassurés et assistés, mais parce qu'il ont besoin d'être prémunis des abus. Nos sociétés occidentales ont mis un siècle à bâtir des systèmes sociaux permettant d'éviter les abus du manque de régulation du XIXème siècle. La mémoire est donc si courte ?
    Le capitalisme n'est pas libéral, il n'est que capitaliste. Il ne se préoccupe pas des équilibres et de la juste répartition des revenus. Il ne se préoccupe pas non plus de la santé, de l'écologie, de l'éducation, du long terme ou de la pauvreté dans le monde. contrairement à ce que professent nos amis lhcistes, le capitalisme dérégulé n'est pas le libéralisme, la nature humaine ne l'autorisera jamais. Le capitalisme dérégulé, c'est Zola, 1929, les subprimes, Jérôme Kerviel, Enron, et j'en passe.
    Le RE n'est que de la poudre aux yeux. RF le décrit comme un mal nécessaire. Nécessaire à quoi ? Si c'était nécessaire au bien-être des individus et au fonctionnement du système, ça ne serait pas un mal mais une mesure structurellement essentielle. C'est donc que ça doit être nécessaire pour faire passer la pilule.

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  2. Ce qui me frappe moi chez les "libéraux des blogs" c'est la certitude qu'ils ont en permanence d'âtre en dehors du champs d'applications de leurs remèdes de cheval, un informaticien à la retraite qui parle d'obligation de bosser (qu'il abandonne donc sa retraite pour aller balayer les rues cet hivers, on verra s'il garde ses certitudes), un jeune journaliste qui veut un super flicage puisque lui en serait exclu (comme tout délinquant il est évidemment inattrapable sauf à ce que la police finisse par s'intéresser à lui) ou encore un libéral "pur jus" qui considère qu'on peut empiéter sur nos libertés pour garantir sa sécurité (par conter toucher au principe de propriété pour aider les autres ça c'est inacceptable).

    Il est toujours facile de faire la leçon de choses quand on a jamais eu à réellement se bouger le cul pour vivre confortablement, CC n'a pas tort quand il fait référence au XIXe siècle avec ses dames patronnesses toujours volontaires pour donner de bons conseils au peuple mais bien incapables de lacer leurs chaussures elle-mêmes...

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  3. @ CC : oui, le capitalisme n'est qu'un système, sans morale bien évidemment.

    @ Fabrice : ton commentaire porte la trace de tes affrontements récents avec tes commentateurs préférés. C'est pas jojo tout ça. Un petit manque d'objectivité là-dedans ? ;)

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  4. @ Mathieu

    Je n'ai jamais revendiqué une objectivité quelconque (moi), j'admets que mes idées formatent toujours un peu ce que je lis, entends ou vois, toutefois je maintiens, les libéraux en charentaises me font marrer, qu'ils aillent affronter le "vrai" monde du travail pour se faire une idée des choses, lire Salin ne suffit pas à appréhender la réalité des choses (surtout que Salin en est très éloigné dans sa tour d'ivoire).

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  5. @ Fabrice : en fait, se baser uniquement sur des idéologues, quels qu'ils soient (Marx, Hayeck, Salin, Proudhon, Smith...) ne suffit pas à se construire une vision cohérente du monde. Il faut y ajouter de l'expérience.

    Maintenant, je ne crois pas que René Foulon soit quelqu'un sans expérience aucune. Cela ressort dans ses propos.

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  6. En fait la prose de René me fatigue vite, il passe son temps à penser en rond en évacuant d'emblée toute possibilité de critique de son propos, quand à son expérience, issue de son passé d'informaticien ou de père de famille d'un ado branleur, je n'y vois pas beaucoup de situations où il a pu tester sur lui même les remèdes qu'il propose d'appliquer aux autres...

    Mais ce n'est que mon avis

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  7. J'aurai tendance à être d'accord avec Fabrice. Ce qui me surprend chez eux, c'est leur grande naïveté, comme si l'être humain allait devenir spontanément bon avec l'avènement du libéralisme. Ca me fait penser à l'idéalisme des communistes de l'après-guerre.
    Si on part du principe que l'homme social est par nature solidaire, compassionnel et généreux, tout les systèmes économiques et sociaux peuvent fonctionner.
    C'est sûrement l'explication du manichéisme qui se dégage aussi de leurs propos : l'homme étant bon, ce qui peut le pervertir est le mal, absolu. Pas de gris.

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  8. @ Fabrice : cela dépend de ses écrits, mais c'est vrai qu'il a du mal à partager. Comme tu as pu le lire, il s'est débarrassé de moi en me mettant dans la case "collectiviste", et c'est résolu.

    @ CC : je n'en sais rien, je ne connais pas directement ceux-là. Je ne les crois pas naïf pour autant. Peut-être un peu enflammés par leurs idées...

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  9. Je crois que vous avez assez bien cerné les auteurs des bloc-notes que nous fréquentons tous ensemble...

    jf.

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  10. @ Jacques : mais vous aussi, cher ami.

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