mercredi 21 janvier 2009

Et si on faisait fonctionner la planche à billet ?

Ce matin, en me levant, j’ai branché, comme à mon habitude, France Inter. A 6h50, l’économiste néo-keynésien Bernard Maris fait une chronique, qui était consacrée aujourd’hui au problème de la dette publique.

Le chroniqueur a rappelé une évidence : la dette publique française est certes élevée (mais moins qu’ailleurs, voir l’Italie ou les États-Unis par exemple) mais la France a l’avantage d’avoir des ménages peu endettés par rapport au reste des pays développés, ce qui devrait nous permettre de redémarrer plus vite, une fois le tsunami de la crise économique passé.

Cependant, il a admis que tous les pays allaient devoir faire face à un réel problème d’endettement à terme, du fait des importants plans de relance mis sur les tables des gouvernements (encore au Royaume-Uni ou en France ces derniers jours). Pour tenter de sortir de ce guêpier, Maris n’a pas hésité. Une solution : la planche à billets !

Cela faisait longtemps que je n’avais pas entendu parler de cette pratique dans les médias. Quel est le principe, cher lecteur ? Lorsqu’un État est endetté et a besoin de liquidités, il peut créer de la monnaie sans contrepartie. Cela fait augmenter la masse monétaire en circulation et entraîne une diminution mécanique des dettes contractées dans la monnaie du pays en question. Maris évoquait l’idée pour le Royaume-Uni, dans le but de réduire les dettes des ménages, et pour la France pour gommer le poids de la dette de l’État. En effet, les dettes ne sont pas renégociées et ne s’adaptent pas au cours de la monnaie.

Cette politique n’est pas sans risque. Généralement, une baisse de la valeur de la monnaie entraîne une hausse des prix car les entreprises doivent faire face à une hausse de leurs coûts de fonctionnement et à une baisse de leurs profits (même si le poids des investissements diminue). De plus, les salariés réclament rapidement des hausses de salaire pour compenser la baisse de leurs revenus en valeur réelle et pour pouvoir faire face à la hausse des prix. Il peut facilement s’engager un cercle inflationniste dangereux. Pense, cher lecteur, à l’exemple de l’Allemagne de Weimar que tu as dû étudier en classe lorsque tu étais jeune…

Depuis les années 1970, les idées monétaristes se sont progressivement imposées et ont empêché l’usage de la planche à billet. La zone euro se l’est interdite par le traité de Maastricht, puis par le Pacte de stabilité. Cependant, si des économistes y pensent, il est tout à fait possible que des politiciens y pensent aussi. La tentation serait grande de présenter cela comme une punition moralement justifiable contre des capitalistes qui se sont injustement enrichis durant les trente dernières années.

Durant les Trente Glorieuses, ce processus avait bien fonctionné, mais nous étions en plein-emploi et la mondialisation était bien moins avancée qu’aujourd’hui. Si nous nous mettons à faire cela maintenant, il est à craindre que la pression du chômage empêche les hausses de salaire et diminue le pouvoir d’achat des pauvres et des classes moyennes. Comme ce sont eux qui consomment, ils entraîneront les pays du Sud qui nous vendent leurs produits avec eux. Là, on risque bien la conflagration générale.

Pour moi, la solution n’est pas là. On peut, à la rigueur, le faire à la marge, mais l’idéal serait plutôt que l’on redistribue mieux les richesses à valeur égale, sans avoir à prendre le risque de la spirale inflationniste tout en essayant de sortir de cette situation stupide où les salaires sont bloqués et où le crédit reste la seule voie pour accéder au mode de vie contemporain.

Attention, cher lecteur, à ne pas laisser nos hommes politiques profiter de la situation pour faire n’importe quoi et se jeter dans la démagogie, signe du manque de courage nécessaire à de saines politiques.


P.S. : pendant que j'écris ces lignes, je découvre ici que Manuel a tenté d'adhérer au réseau LHC en douce. Heureusement, le comité central de nos concurrents libéraux a refusé cette belle candidature. Cela m'aurait obligé à faire blog à part !

4 commentaires:

  1. Le comité m'a rejeté.. Comprends pas...;)
    Intéressant, merci pour le reste.
    C'est vrai que c'est assez paradoxal de voir que le Livret A par exemple est indexé sur l'inflation, les salaires aussi, théoriquement, mais en fait non...

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  2. Salut,

    Le problème, c'est que tout le monde, dans la zone euro, n'est pas dans la même m...

    Or pour modifier les statuts de la BCE et/ou foutre en l'air le Pacte de stabilité pour pouvoir faire tourner la planche à billets au niveau fédéral, il faudrait que ceux qui sont dans une grosse, grosse m... (Grèce ? Espagne ? Italie ? France ?) parviennent à convaincre ceux qui sont dans une moyenne m... (Allemagne ?) ce subir une inflation qu'ils ont tout fait pour éviter.

    Vincent Bénard a fait un excellent article sur la question.

    Sur la candidature de Manuel : c'est bien pour sauvegarder votre amitié que nous avons refusé. ;-)

    Bonne journée !

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  3. Criticus remonte dans mon estime, il a été au bout de l'absurde, il vous a réellement proposé ma candidature, c'est bon ça!
    Une inflation importante reviendrait à une perte de pouvoir d'achat comme l'explique Mathieu, c'est le pire qui puisse nous arriver.

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  4. @ Manuel : en fait, ils n'ont pas voulu de toi. C'est l'influence de Fabrice aussi...

    @ Rubin : j'ai beaucoup aimé cet article dans lequel l'auteur invite les dirigeants européens à s'asseoir sur la démocratie et à mener une vraie politique libérale. Malheureusement pour vos idées, notre système ne marche pas comme cela.

    Par contre, je trouve que mettre la France avec l'Italie, la Grèce et l'Espagne est une erreur économique. La France va beaucoup mieux, à un PIB plus élevé, et la dette des ménages y est beaucoup plus faible. Là-dessus, je rejoins Maris : la France est dans l'une des meilleures situations pour sortir de la crise, si tant est qu'elle ne tombe pas elle aussi dans le piège de la dette privée.

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