lundi 13 septembre 2010

Lois Gayssot : tout dépend de l'objectif.

Cela va peut-être te surprendre, cher lecteur, mais je vais aujourd'hui rebondir sur un billet de notre camarade NPiste CSP, qui s'est lancé aujourd'hui dans un texte sur le négationnisme, suite à un billet sur Chomsky que tu pourras trouver ici.

L'ami CSP considère que les lois Gayssot sont acceptables car elles obligent les négationnistes et leurs petits copains racistes à se taire, au moins publiquement, et à ne pas trop diffuser ainsi leurs idées. On éviterait de nombreux problèmes et, particulièrement, la survivance publique des idées les plus problématiques de l'extrême-droite.

Je ne peux être d'accord avec lui. En tant que personne ayant étudié l'histoire et l'enseignant tous les jours, j'admets supporter très difficilement que l'Etat se pique de vouloir imposer sa version de l'histoire. En effet, ce qui fait la légitimité d'un travail d'historien est la méthode employée. L'historien confronte ses questions à des sources et émet des raisonnements en s'appuyant sur elles et en se référant aux historiens ayant déjà travaillé sur le sujet. Cela permet d'éviter de faire n'importe quoi.

Or, l'histoire démontre l'existence des camps. Le négationnisme est donc mort de lui-même, et les gugusses qui y croient y croiront de toute façon. Je peux le confirmer : régulièrement, des élèves disent que je mens sur les juifs. On a beau faire tout ce qu'il faut, celui qui ne veut pas l'accepter continuera à ne pas l'accepter.

Le cas se répète exactement dans le cas du génocide des Arméniens que la France a cru bon de reconnaître. Fondamentalement, les historiens ont analysé cet évènement depuis longtemps. Cette reconnaissance n'a nullement convaincu les Turcs qui pensent qu'il ne s'est rien passé. Cette loi n'a servi à rien.

La seule manière de légitimer l'interdiction serait, à mon sens, non pas de dire qu'on veut légitimer une version de l'histoire, mais de dire qu'on estime qu'il est anormal que des personne appelant à la haine de l'autre puissent s'exprimer librement. Souvent, les négationnistes estiment que le génocide est une invention des juifs à leur profit.

Pitié, laissons les historiens faire leur travail et que le parlement se contente de légiférer sur le politique : il y a déjà largement de quoi faire...

14 commentaires:

  1. J'ai pensé écrire un billet sur la tendance qu'a Chomsky à s'offusquer des interdits brandis à l'encontre des négationnistes, tu l'as presque fait...
    Concernant la loi Gayssot, je ne peux pas suivre ton raisonnement, étonnament libéral pour le coup.
    On ne peut pas tout dire, on ne peut pas raconter n'importe quoi sur quelquùun et je heureux qu'on ne puisse pas réécrire l'histoire comme on l'entend.
    Car si tu affirmes que les historiens sont, en quelque sorte les garants, de la vérité historique, j'ai du mal à y croire. Certains de tes élèves ne croient pas en la Shoah, et bien qu'en serait-il si leur croyance était relayée par certains médias?
    Si dire que la Shoah était une invention juive pouvait être affirmée dans une émission de TF1 ou M6, ne penses-tu pas que ces petits couillons en seraient encore plus convaincus?
    Je suis persuadé qu'il ne faut pas laisser à un mensonge la possibilité d'être exprimé, surtout en ces temps ou la conséquence directe de la Shoah (Israël) est détestée de part le monde et au centre de beaucoup de conflits.
    Je pense qu'on aboutirait vite à une reconnaissance du négationnisme à l'échelle nationale. Du moins, en France

    RépondreSupprimer
  2. Manuel, un mec est en prison, avec les voleurs, violeurs, criminels, pour avoir nié un événement vieux de 60 ans... Cette loi est une absurdité complète, il faut l'abroger. Point.

    RépondreSupprimer
  3. Et oui, et qu'il y reste, car "l’évènement" vieux de 60 ans a fait 6 millions de morts, et peut-être que ce n'est pas ton cas, mais je connais des gens que cet "évènement" affecte, fait souffrir.
    Le fait de remettre en cause le meurtre de 6 millions de personnes parce qu'on est un vieux facho haineux ou un anti-sioniste haineux ne doit pas être pris à la légère.
    Quand à ta décision de considérer telle ou telle loi comme une absurdité et ton "Point", tu peux te les carrer où je pense.

    RépondreSupprimer
  4. Mettre en prison les gens qui ne pensent pas comme toi, c'est une méthode de facho. Et, dans tes propos, tu es aussi haineux que lui.
    Rien ne vous sépare vraiment donc, si ce n'est que ce pauvre nazillon a la loi contre lui.

    RépondreSupprimer
  5. Ce que je pense n'a aucun intérêt dans cette histoire. Il s'agit d'une vérité historique qui doit rester vivace pour éviter qu'elle ne se reproduise. On n'est pas en train d'essayer de cacher une vérité mais d'en préserver une, c'est complètement différent.
    Mes propos te paraissent haineux? Fais preuve d'un peu de respect lorsque tu parles de sujet graves et j'éviterai d'être agressif.

    RépondreSupprimer
  6. @ Manuel

    Les théories négationnistes sont déjà relayées par certains médias (internet par exemple) et le fait de ne pas disposer des arguments déployés par leurs auteurs rend le travail pédagogique d'autant plus difficile.

    Laissons-les s'exprimer et opposons-leur les réalités historiques, ça leur coupera l'herbe sous le pied quand ils se diront "victimes de la mainmise des bien-pensants sur les médias".

    RépondreSupprimer
  7. Ah et tu crois vraiment que mettre en prison les négationnistes va faire du mal à la théorie du complot ? C'est pas plutôt l'inverse qui se passe ? Le nazillon va sortir de prison et dire : "regardez, ce que je dis dérange, ils veulent cacher quelque chose, ils me font taire".

    Quand à la notion de "vérité historique", elle est complètement creuse. Il n'y a pas de vérité dans l'histoire, simplement des gens qui en parlent. Et si les gens ont un avis différent, qu'ils l'expriment.

    Et si on suit ton raisonnement, il faut tout simplement interdire aux gens d'évoquer une autre version de l'histoire que celle "officielle" du gouvernement, dès lors qu'un événement a fait "souffrir" des gens.
    On l'a fait avec la Shoah, bien, mais pourquoi pas le massacre des amérindiens, des opposants en URSS, des Tutsis, des Gaulois, des esclaves noirs, j'en passe et des meilleures. A ce rythme on peut renvoyer tous les historiens au chômage.
    D'ailleurs, un grand nombre d'historiens, qui savent mieux que tout le monde l'existence des camps, se sont opposés à la loi Gayssot.

    RépondreSupprimer
  8. @ Manuel : seul compte le travail des historiens. Dire que les camps n'ont pas existé, c'est juste une connerie, brandie par des illuminés. Après, je le redis : on peut justifier l'interdiction sur le plan historique, mais pas pour préserver l'histoire et sa vérité.

    @ Paul : euh, si, quand même. On dégage deux notions importantes dans le travail de l'historien. Il y a d'abord le fait, corroboré par de nombreuses sources. Par exemple, il y a eu 9 millions de morts dans les camps, dont 6 millions de juifs. Cela, c'est un fait, dont je ne vois pas l'intérêt de discuter la réalité.

    Ensuite, il y a les interprétations sur ces faits, qui elles sont de la liberté de l'historien, avec bien sûr une confrontation rigoureuse avec les sources et les autres historiens.

    Maintenant, il est vrai que les historiens sont contre la loi Gayssot, et je les rejoins.

    RépondreSupprimer
  9. @ Manuel :
    Je pense qu'il n'est nul besoin de connaître des personnes directement touchées par les atrocités d'il y a 60 ans pour se sentir bouleversé par cette période de l'histoire.

    Je suis d'accord avec l'article, et avec mon parcours et mes connaissances très parcellaires, je trouve que la rigueur scientifique d'un historien vaut mieux que le parti pris d'un parlementaire pour "faire" l'histoire.

    RépondreSupprimer
  10. La vérité historique s'effrite quand l'émotion disparaît. Et je pense qu'un mensonge répété devient la nouvelle vérité si les conditions s'y prêtent. Et les conditions s'y prêtent de plus en plus au vu de l'amalgame qui se fait communément entre sionisme et judaïsme.
    Heureusement que l'on peut se sentir concerné par la Shoah sans être directement touché, mais quand on en parle comme le fait Paul, je pense qu'on devrait faire preuve d'un peu plus d'émotion et de compassion.

    RépondreSupprimer
  11. J'ai beaucoup aimé: http://www.variae.com/la-loi-contre-la-science/comment-page-1/#comment-926

    RépondreSupprimer
  12. @ Manuel : je ne vois pas bien le rapport entre l'amalgame sionisme-judaïsme et la question de l'existence des camps.

    RépondreSupprimer
  13. Du fait de cet amalgame, l'anti-sionisme devient de l'anti-sémitisme et la tendance au négationnisme est moins horrible, puisque les vilains sionistes ne sont pas à un mensonge près.
    Sinon, je pensais à un parallèle bête et con.
    Devrait-on avoir le droit de tenir ouvertement des propos pédophiles?

    RépondreSupprimer
  14. @ Manuel : la pédophilie n'a rien à voir avec la vérité historique. Je dis, dans l'article, que je trouve inacceptable d'imposer une version de l'histoire. Après, je dis aussi qu'interdire l'expression d'opinions contraires n'a rien à voir avec l'histoire, mais avec la politique.

    Il faut bien faire la différence.

    RépondreSupprimer