Ces derniers jours, comme tout bon prof parisien qui se respecte, je suis en vacances. Voilà donc venu le temps pour remettre un peu ses cours à jour et pour profiter de son temps libre pour lire.
Parmi mes achats littéraires du moment, j'ai fait l'acquisition du petit livre de Landais, Piketty et Saez, intitulé "Pour une révolution fiscale. Un impôt sur le revenu pour le XXIe siècle." Il est paru au Seuil.
Je ne vais pas revenir sur le fond de la proposition des auteurs pour réformer l'impôt sur le revenu en le fusionnant avec la CSG. Tu trouveras les informations sur le site mis en place par les auteurs, qui ont apparemment décidé de se passer d'un web-designer, ce qui est bien dommage. Tu trouveras aussi ici et là des opinions d'autres blogueurs sur le sujet, parfois assez sévères. Personnellement, j'admets ne pas suffisamment maîtriser la fiscalité des plus riches pour pouvoir me faire une opinion réelle sur les propositions faites. Par contre, je souscris totalement à une des grandes idées avancées par les auteurs : il est anormal que l'impôt soit aussi difficile à comprendre pour le quidam mais que les gens aisés puisse faire appel à un fiscaliste et ne plus acquitter qu'une part minime par rapport à ce que les autres paient.
Dans la troisième partie du livre, les économistes se lancent dans une longue réflexion concernant les loyers et la propriété, dans le but d'intégrer mieux le patrimoine mais aussi les revenus qu'on en tire. Je voulais, dans ce court billet, te faire réagir, cher lecteur, à ces quelques propositions.
- Les auteurs se lancent d'abord dans une charge contre le système actuel d'allocations au logement, visant à aider les plus pauvres à louer leur résidence principale. Ces allocations sont aujourd'hui fonction des ressources mais aussi d'autres facteurs comme le type de logement, le lieu de résidence, le nombre d'enfants... Pour les auteurs, ce système permet une hausse constante des loyers et des déficits du système social, car, même si les pauvres restent pauvres, ils touchent de plus en plus d'aides en fonction des prix des loyers. Ils proposent donc de casser ce système et de remplacer cela par une allocation forfaitaire à tous les locataires dépendante de la zone géographique. Ainsi, les locataires ne perdraient rien en déménageant vers des logements moins chers et les loyers iraient à la baisse plutôt qu'à la hausse.
- Les économistes proposent ensuite d'inclure dans les revenus ce qu'ils appellent le "loyer fictif". Imaginons par exemple que tu sois, cher lecteur, propriétaire de ton logement. Tu n'as donc pas de loyer à acquitter et tu bénéficies de ton logement. Tu toucherais donc un "loyer fictif" qu'il faudrait inclure dans ton revenu pour compenser les inégalités avec les locataires qui paient, eux, un loyer réel. On déduirait de ce loyer fictif les intérêts d'emprunt pour ne pas pénaliser les accédants face aux propriétaires plus anciens. Pour les auteurs, cela aurait l'avantage de pousser les grands propriétaires qui préfèrent garder des logements vides à louer ou à vendre pour compenser l'arrivée de l'impôt, détendant un peu le marché du logement.
- Enfin, nos économistes se livrent à une charge contre la taxe foncière. Pour eux, cet impôt, qui rapporte pourtant beaucoup (16 milliards d'euros tout de même), s'appuie sur des textes trop anciens et frappe tout le monde par un forfait assez lourd, mettant en difficulté les accédants face aux propriétaires installés qui n'ont plus d'intérêts à acquitter. Les auteurs trouveraient assez cohérent de modifier cet impôt par un système ressemblant à celui de...l'ISF ! Il faudrait que cette taxe prenne en compte deux paramètres pour être juste : le prix réel de ce patrimoine et le niveau de dette des propriétaires. Ainsi, les auteurs espèrent faire payer les propriétaires héritiers plus que les classes moyennes accédantes sans soutien extérieur.
Je te soumets, cher lecteur, ces propositions pour que tu réagisses. En particulier, je trouve cette histoire de "loyer fictif" problématique. Certes, on peut parfaitement admettre que les personnes ayant un bien et n'en tirant pas de revenus puissent cependant être atteintes par les inégalités que cela provoque. Cependant, est-il juste de taxer un revenu qui n'existe pas ?
Quoiqu'on en pense, ce livre pose des questions intéressantes et qui méritent un débat public.
« Parmi mes achats littéraires du moment, j'ai fait l'acquisition du petit livre de Landais, Piketty et Saez, intitulé "Pour une révolution fiscale. Un impôt sur le revenu pour le XXIe siècle." »
RépondreSupprimerLittéraire, vous êtes sûr ?
@ Didier : hum, non, pas vraiment. J'aurais dû écrire "parmi mes achats du moment".
RépondreSupprimer"Cependant, est-il juste de taxer un revenu qui n'existe pas ?"
RépondreSupprimerCela existe déjà et ça s'appelle l'ISF : c'est un impôt sur le patrimoine d'une personne et l'avantage par rapport à l'impôt sur les loyers fictifs, c'est que ça touche aussi les rivières de diamant ou les comptes en suisse... ;o)
Ceci dit, la question d'un impôt sur un patrimoine acquis avec des économies qui ont déjà supportées l'impôt reste entière...
m'enfin,
@+
(PS venu par...plume de cib du fait d'un lien sur la maison du faucon... les voies du blog sont impénétrables...)
"Est-il juste de taxer un revenu qui n'existe pas ?" C'est la question que doit se poser tous les alcooliques désargentés qui payent la TVA sur leur boisson favorite sans pour autant bénéficier d'un revenu quelconque...
RépondreSupprimerPour être sérieux, ça fait réfléchir. Peut-on déduire aussi la taxe foncière ? Je suis plutôt pour.
@ Anonyme : les voies des blogs sont en effet très mystérieuse.
RépondreSupprimerLes auteurs du livre ne remettent pas en cause l'ISF. Ils proposent plutôt d'en relever le plafond minimum à 1,5 millions d'euros de patrimoine mais de supprimer les niches et les exemptions.
En fait, les loyers fictifs en rajoutent finalement.
@ Mtislav : ils bénéficient quand même d'une bonne cuite !
Déduire la taxe foncière de quoi ? De l'IR ? De l'ISF ?
Bonjour,
RépondreSupprimerc'est une idée bien curieuse que de taxer des "loyers fictifs". Tout d'abord il me semble que pour apprécier objectivement une telle idée, il faut absolument tenir compte du système d'imposition global dans lequel elle doit s'inscrire. Car l'environnement fiscal peut, à mon avis, changer radicalement l'effet réel d'une mesure quelconque.
S'il s'agit s'inscrire cette mesure dans le système actuel d'imposition, elle me semble inefficace.
Ce que je n'apprécie pas dans cette mesure c'est qu'elle cherche à opposer les locataires et les propriétaire avec une idée préconçue: ce sont les propriétaires qui sont les privilégiés. L'idée que les locataires sont désavantagés suppose que la location est un mode de vie subi. Or, ce n'est pas forcément le cas. On peut très bien choisir la location parce qu'on n'a pas envie de s'alourdir avec toutes les tracasseries, administratives et matérielles, liées à la propriété. A revenu égal, pourquoi alors privilégier un choix plutôt qu'un autre de mode de vie?
Si la location est subie pour cause des revenus insuffisants pour l'obtention d'un crédit immobilier, alors il se peut que ces revenus sont déjà dans une tranche d'imposition plus faible que les revenus de ceux qui cherchent à accéder à la propriété. Alors qu'un revenu "fictif" risque de faire monter injustement d'une tranche des familles moyennes et faire peser sur eux un impôt plus lourd sans qu'ils aient plus d'argent (vrai) dans les poches.
Ceux qui se sont endettés pour accéder à la propriété paient des mensualités comparables à un loyer. Ils donc autant d'argent en moins dans le budget de la famille chaque mois que quelqu'un qui paie un loyer. Concrètement, il n'ont pas plus d'argent pour payer un impôt plus grand.
Enfin, si la mesure cherche à "punir" ceux qui sont propriétaires, sans payer de crédit, il ne faut pas oublier que dans cette catégorie se trouvent les retraités, des gens qui vivent dans leurs maisons, qu'ils ont payé avec l'argent de leur travail, déjà taxé par l'impôt sur le revenu.
Je crains qu'une telle mesure ne devienne une mesure de plus qui fait payer ceux qui rament pour s'en sortir, sans vraiment atteindre ceux qui détiennent le plus gros des richesses.
Ils n'ont pas été chercher bien loin cette idée d'imposition sur un loyer fictif vu qu'elle est appliquée en Suisse où le propriétaire ajoute à son revenu annuel, un revenu locatif du logement dont il est proprio, qu'il le loue ou qu'il y vive. Cet ajout d'imposition ne s'effectue que lorsque le prêt est intégralement remboursé, donc on assiste en Suisse, à des prêts In Fine ne se terminant jamais.
RépondreSupprimerLe proprio continue donc à jamais de payer des intérêts sur une partie du prêt pour échapper à la sur-imposition.
Au lieu de filer du blé à l'Etat, cette mesure à deux effets:
La première est que les Suisses n'achètent pas d'immobilier en Suisse.
La deuxième est que ceux qui achètent préfèrent payer des intérêts que de l'impôts et enrichissent donc les banques.
Ça va être dur de me convaincre...
@ Anya : pour répondre très globalement, le bouquin propose une refonte totale de l'IR, passant par la suppression de l'IRPP et l'extension de la CSG avec une imposition à la source et une taxation du revenu effectif. C'est très grossier comme résumé, mais allez voir leur site : tout est dessus. Ce n'est même pas la peine d'acheter le bouquin en fait.
RépondreSupprimerLes auteurs partent clairement du postulat qu'un propriétaire qui n'a plus de dettes est avantagé par rapport à un locataire. Ils cherchent ainsi à améliorer la taxation des revenus du capital, déficiente selon eux en France.
Ils prévoient de déduire les intérêts d'emprunt.
Sur les classes moyennes, c'est une vraie question. Elle doit cependant se poser à partir du moment où le capital est détenu par une toute petite minorité.
@ Manuel : réflexion intéressante sur les comportements. J'admets pourtant ne pas bien comprendre comment on peut préférer donner son argent à des banques, mais enfin...
Parce que les banques font des offres permettant aux gens d’économiser par rapport a ce qu'ils paieraient en impôts, c'est simple.
RépondreSupprimer@ Manuel : si tu paies moins au banque et que cela t'économise plus d'impôt, y a un truc que je pige pas...
RépondreSupprimerTant que ton prêt n'est pas intégralement remboursé, tu n'es pas imposé sur le revenu locatif, donc les banques mettent en palce des prêts In Fine, permettant de ne jamais finir de payer son prêt mais de garder une certaine somme sur laquelle l'emprunteur ne paiera que des intérêt, sans amortissement.
RépondreSupprimerIl suffit que les intérêts soient inférieurs au surplus d'impôts en cas d'imposition sur le revenu locatif pour que les gens ne préfèrent l'intérêt à l'impôt. Compris?
Ma position sur le sujet est simple : je suis contre ce "loyer fictif" car je trouve cela profondément injuste... une sorte de subprime à l'envers.
RépondreSupprimerJ'espère que ce n'est pas dans le programme du PS.
@ Manuel : c'est un vice de la loi suisse, ça. Il suffirait de ne pas l'autoriser ici.
RépondreSupprimer@ Polluxe : je ne sais pas. J'admets que je me fiche un peu du programme du PS pour le moment.
Ce n'est pas un vice de la loi suisse, c'est une option bancaire tout à fait normale également possible en France.
RépondreSupprimerMais de toute façon, cette imposition est complètement injuste et stupide.
Ou va-t-on si l'on commence à nous imposer sur un revenu qui n'existe pas?!
Cela ralentirait considérablement l'investissement dans l'immobilier et les investisseurs trouveraient la parade pour ne pas être imposés. Aucun intérêt.
@ Manuel : si j'ai bien compris, les auteurs veulent pousser les propriétaires à louer les logements vides.
RépondreSupprimerEt les gens qui vivent dans leurs logements? Ils sont la majorité des proprios et ils se feraient méchamment baiser.
RépondreSupprimer@ Manuel : c'est bien le fond du problème pour moi. Une taxation de ce type ne frapperait pas que les riches. Par contre, elle prendrait en compte les inégalités de départ.
RépondreSupprimerJ'explique.
Personnellement, j'ai bénéficié, pour acheter mon logement, d'une petite donation. A revenu égal, je connais beaucoup de gens qui sont partis de rien et d'autres qui sont partis avec des donations bien plus élevées. De fait, le travail ne joue en rien là-dedans. C'est la richesse des ascendants qui pèsent.
Donc, les loyers fictifs frapperaient un peu plus ceux qui partent avantagés. Mais bien évidemment, cela demande à être largement réfléchi pour éviter que tout ne retombe, comme d'habitude, sur les classes moyennes.
Je voulais dire : "c'est la richesse des ascendants qui pèse."
RépondreSupprimerPour ma part, je n'ai bénéficié d'aucune donation, que dalle. C'est ma force de travail et mes économies qui m'ont permis d'acquérir un logement. Alors je te dis que d'un coup je devais m'acquitter d'un impôt sur une valeur locatif fictive, je revendrais illico presto et irai vivre de l'autre côté de la frontière.
RépondreSupprimerEt je serais totalement dégoûté par la France et ce coup de pute complètement injuste qu'elle m'aurait faite.
Tu paies 7.5% au notaire dont 95% vont dans la poche de l'Etat, tu paies la même chose à l'agence immobilière, tu contractes un prêt sur 25 ans, tu investis une somme d'argent importante, durement économisée, si c'est pour se faire plumer à la sortie, NON.
@ Manuel : tu confonds les choses. L'Etat n'est pas responsable du tarif de l'agence tout de même.
RépondreSupprimerSur le reste, je vois bien ton raisonnement. Maintenant, il faut bien admettre que les capitalistes sont avantagés et mal taxés en France.
@Manuel
RépondreSupprimerArrête un peu de plaindre ta condition de propriétaire.
Le loyer fictif ne ferait que rétablir un minimum de justice, entre les fils de privilégiés jeunes salariés et logés gratuitement par papa-maman (qui ont eu la chance d'acheter assez tôt dans les grandes villes), et les autres qui lâchent des 700 ou 900 euros dans un loyer à Paris, et qui paient pourtant autant d'impôts !
Le plus gros coup de pute comme tu dis, pour l'instant, c'est bien celui que la France et ses baby-boomers aux manettes font aux jeunes sans apport et sans héritage, à travers les prix délirants de l'immobilier qui font qu'il est impossible pour un jeune d'entrer dans le jeu aujourd'hui !!
Tu trouves normal qu'un couple de jeunes cadres aujourd'hui ne puisse même pas acheter un 2 pièces à Paris qu'un simple employé né dans les années 50 pouvait se payer tout seul sans problème ??
Et je ne parle même pas des classes populaires...
Il y a des milliards chaque mois qui partent des poches des jeunes locataires pour aller engraisser des retraités propriétaires qui ont acheté pour une bouchée de pain dans les années 70.
Et l'état avec nos impots subventionne ça, en distribuant des PTZ et des APL qui ne font que soutenir la hausse des loyers, et donc de l'investissement locatif et des prix !
C'est délirant, c'est vraiment se tirer une balle dans le pied et cela doit s'arrêter !! Que l'investissement mobilier se casse la gueule, mais mon dieu serait la meilleure chose qui puisse arriver !
Les jeunes pourraient enfin se loger normalement, l'état économiserait les milliards de subventions versés dans les APL et ceux alloués au prêt à taux zéro !
Et ceux qui ont déjà acheté au plus haut ? Bah fallait être moins con et y réfléchir à 2 fois avant de signer pour s'endetter 25 ans pour une bicoque qui a pris 150% d'augmentation en 10 ans. Franchement, c'est faire preuve de peu de flair et personne ne va vous plaindre...
Je ne pense pas que la taxation de revenus fictifs soit la bonne solution. Il vaudrait peut être mieux taxer les propriétaires de logement vacants pour les inciter à louer. Quant aux propriétaires de leur résidence principale, ils ne partent pas tous en vacances, n'ont pas forcément des aides sociales... Si demain, à la fin du paiement de mon crédit de mon habitation principale je devais être taxée, je n'achèterais pas ou ne ferais pas construire, donc baisse significatif des emplois dans les métiers du bâtiment. Acheter un logement principal est le résultat pour nombre de français limites ou moyens (on parle budget), d'économies d'une vie avant l'acquisition, et d'une vie d'après l'acquisition pour payer le crédit et l'entretien du logement.
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