samedi 13 septembre 2008

Une proposition libérale : le revenu d'existence.

Sur un site concurrent, un aimable blogueur nous présente son programme libéral pour réformer la société dans son ensemble. Un commentateur indique d'ailleurs que les propositions reprennent les idées d'Alternative Libérale. Au départ, je voulais commenter chez lui, mais j'y ai renoncé, parce que le commentaire aurait été bien trop long. Parmi les propositions, figure le revenu d'existence. Cette proposition m'a toujours fasciné, parce que je la voyais comme un moyen de remettre en cause cette idée bien pensante que le travail était une nécessité pour vivre et que tout homme avait le besoin de travailler pour se sentir bien.

L'auteur nous présente l'idée. Il s'agirait de cesser de verser les prestations sociales comme le RMI et les ASSEDIC, pour réaffecter les sommes à ce minimum vital. Ainsi, chacun recevrait quelque chose qui permet de survivre, mais qui ne permet pas de vivre convenablement, incitant ainsi à la reprise rapide du travail en cas de chômage. Les citoyens qui ne toucheraient que cela paieraient aussi un impôt dessus de même que des cotisations sociales, l'idée étant pour l'auteur de supprimer la progressivité de l'impôt. Tous contribueraient à la solidarité nationale mais l'Etat ne pourrait plus faire varier ce taux.

L'idée peut paraître extrêmement séduisante à un homme de gauche comme moi, car voilà éradiqué d'un coup l'extrême pauvreté. Nous aurions tous quelque chose de minimal. L'auteur ne dit cependant pas si ce revenu minimum augmenterait ou baisserait en fonction du coût de la vie, et qui en fixerait le taux. De même, il n'indique pas ce qu'est le minimum vital pour lui : s'agit-il de l'alimentation, du logement, de l'énergie, des transports ? Vu les autres propositions, je sais déjà qu'il en exclut la santé, la retraite, la famille et l'éducation, qui sont dépendantes du libre-choix de l'individu après versement du salaire et n'est plus pris en main par l'Etat, réduit à la portion congrue.

C'est là que je m'interroge sur la logique de la proposition. En effet, aujourd'hui, les chômeurs touchent le RMI ou les ASSEDIC, et les salariés au minimum le SMIC. Ces salaires permettent à des personnes de vivre et d'assumer toute une série de besoins, mais seulement parce que la collectivité, par l'impôt ou par les cotisations sociales, prend en charge toute une série de domaines. Un RMIste seul et sans enfant touche aujourd'hui 447,91 €. Avec ce chiffre, il doit se payer son alimentation, son logement, son transport et une partie de son énergie. Il n'assume par contre pas sa santé, sa retraite qui dépend de la collectivité, l'arrivée d'un enfant. S'il on a deux RMIste avec un enfant, on se retrouve à 806,24 €, ce qui ne permettrait pas non plus de payer l'éducation d'un enfant dans un système privatisé, comme cela existe aux États-Unis.

Évidemment, je suppose que l'auteur estime que la baisse considérable des impôts que permettrait toutes les mesures de son programme de libéralisation permettrait une redistribution bien plus grande des revenus vers les salariés, et que le travail rapporterait beaucoup plus, permettant à chacun de payer pour tous ces services. Cependant, il oublie une chose fondamentale : lorsque les États étaient faibles, au XIXe siècle, et que beaucoup de ces domaines relevaient du privé, les revenus allaient très majoritairement vers le capital et pas vers les salaires. La hausse générale du niveau de vie a été liée à une expansion considérable du domaine de l'intervention de l'État. Même les pires libéraux le savent très bien, et vouloir revenir à une société qui ne partageait pas les richesses pose quand même de nombreuses contradictions.

Alors, soit le revenu d'existence (RE) permet d'assumer les besoins vitaux. Dans ce cas, il devient un super-RMI mais justifie qu'il n'y ait plus aucune autre politique que la charité et annule l'intervention de l'État. De plus, il insinue que le chômage n'est jamais de la responsabilité de la collectivité mais de chaque individu. Il supprime toute possibilité de contestation de l'ordre social (pourquoi vous plaignez-vous, vous avez le RE) et casse les liens de solidarité existant au-delà de ce RE.

Soit il couvre aussi les domaines moins vitaux, mais il s'agit alors d'une véritable collectivisation des revenus dont je doute de la part de l'auteur de ce blog, vu son aversion pour le communisme.

Cette idée est très maligne et il faut s'en méfier. Les libéraux ont là une arme qui se prépare à enterrer définitivement toute contestation des inégalités sociales. J'espère que les hommes et les femmes de gauche ne tomberont pas dans le panneau de cette carotte qui cache finalement le bâton.

P.S. : l'auteur cité ici vient de répondre à ce billet dans un
nouveau texte, où il précise certaines choses que je soulignais ci-dessus. Je réagirai sans doute dans les prochains jours.

3 commentaires:

  1. L'article que tu cites est plein d'âneries doublées d'une idéologie douteuse.
    Je ne vois pas l'intérêt du RSE, sinon pour supprimer le SMIC et paupériser encore plus les bas salaires.
    L'impôt proportionnel est juste selon la justice qui veut que les riches deviennent plus riches et les pauvres plus pauvres.
    La protection sociale ouverte à la concurrence veut dire à terme, l'abandon de celle-ci par les bas revenus (je ne mets pas salaire car ça ne concerne pas que les salariés).
    Quant aux cotisations patronales assises sur la valeur ajoutée et non plus sur les salaires, c'est stupide à plus d'un point. D'une part, les cotisations patronales servent à payer une part des systèmes sociaux sur la base des salaires. Donc ça revient à supprimer un prélèvement social pour le transformer en impôt (puisque les dits systèmes sociaux sont amener à disparaître). D'autre part, l'argument selon lequel cela permettrait de faire "payer" les activités à faible main d'oeuvre revient in fine à faire payer plus les industries et moins les services. Au vu de la situation des industriels occidentaux, je doute que ce soit judicieux (enfin bon, sur le fond, c'est d'autant plus stupide que l'élément essentiel de la valeur ajoutée est la masse salariale, l'autre étant le profit, donc finalement, ça n'a aucun sens).

    Pour en revenir au RSE, oui il faut rester vigilant pour que ce type d'horreur sociale ne prenne jamais corp.

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  2. @ CC : d'accord avec toi, mais c'est le point du RE qui m'intéressait plus, car à une époque, j'ai été séduit par l'idée.

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  3. Bonjour Mathieu,

    A mon tour, je t'ai répondu par une article sur mon propre blog :

    http://renefoulon.canalblog.com/archives/2008/09/14/10574233.html

    A bientôt

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