vendredi 23 avril 2010

En n'aidant pas la Grèce, on va tailler dans le gras.

Alors que la zone euro se croyait tirée d'affaire, le rebondissement de ce soir met à nouveau la Grèce en position de faire faillite. Cette affaire révèle un vice profond dans l'évolution récente de l'Union Européenne.

En 1963, c'est la vision française de l'Europe qui triomphe. A l'époque, le général de Gaulle renvoie les fédéralistes à leurs études et met en avant l'idée d'une Europe des États, ne partageant que certains domaines de compétences au bénéfice des États. La P.A.C. sera le meilleur exemple de cette politique, à l'avantage de la France. Cette association se voulait réduite, coincée entre des pays hostiles (le Royaume-Uni et ses alliés) et à de grandes puissances qu'on ne pouvait défier seuls.

Cette vision de l'Europe n'a cessé de reculer, mais sans jamais revenir vers une vision fédérale. Elle s'est d'abord agrandie, y compris vers des pays rétifs à l'idée de transfert de compétences comme le Royaume-Uni, rendant le consensus impossible. Elle a ensuite multipliée ses domaines d'intervention sans y associer les populations, seul moyen de faire plier des États défendant leurs intérêts.

La création de l'euro pouvait apparaître comme un succès réel de l'Union. En créant une monnaie unique, les États-membres, même s'ils n'étaient pas tous adhérents à l'idée, pouvaient se targuer d'avoir renoncé à l'un des piliers de leur souveraineté. Pour démontrer leurs volontés, ils instituèrent un machin qui n'avait jamais été mis en place, et qui provoqua sans doute chez nos amis libéraux de véritables poussées orgasmiques : la Banque Centrale Européenne (BCE).

Ah, la BCE... Ce machin est en théorie indépendant et se doit de respecter des principes issus des théories monétaristes, sans aucun pragmatisme. Cela a tenu en période de croissance, mais aujourd'hui, l'incohérence se révèle. En effet, les fondateurs de l'euro ont admis des membres qui ne correspondaient pas au critères des traités, comme la Grèce mais aussi l'Italie. De plus, en se refusant à fixer un véritable gouvernement fédéral monétaire, comme la logique gouvernementale aurait dû l'imposer, ils empêchent maintenant l'Union de réagir face à la crise de l'un de ses membres. Enfin, nos fondateurs ont oublié, ou ont feint d'oublier, que nos pays avaient des économies certes développées, mais très différentes, entre l'industrielle Allemagne, l'Espagne s'appuyant sur l'immobilier et le tourisme ou la France de l'agriculture et des services.

Maintenant, que va-t-on faire ? Il y a quelques semaines, j'évoquais l'idée de laisser l'euro se dévaluer en produisant de la monnaie, en allant contre les dogmes du traité de Maastricht. Cependant, pour des raisons politiques et idéologiques, mais aussi économiques (reconnaissons-le), les membres de l'euro risquent de ne pas suivre cette voie.

Mais que se passera-t-il si la Grèce fait banqueroute ? Les financiers et les capitalistes risquent bien de paniquer, et de faire payer la note aux autres États. Et que dire de la situation de l'ensemble de la population de nos pays ?

Les prochaines semaines s'annoncent tendues. Espérons que les acteurs sauront agir avec une certaine responsabilité et ne pas s'accrocher aux dogmes.

PS : à noter qu'un autre pays européen connaît de grandes difficultés qui pourraient aussi avoir un énorme impact sur l'Union...

2 commentaires:

  1. Salut, petite précision sur la BCE et les "libéraux".
    L'idée d'une BC indépendante, tient à la fois à la tradition allemande d'une monnaie forte et aux théories de Milton Friedman. C'est le fameux "monérarisme".
    Cependant, les libéraux plus hard, voire carrément anarchistes (donc moi à mes heures perdues), se rapprochent plus de la pensée de Rothbard ou Hulsmann, qui sont à l'opposé de Friedman. Ces deux auteurs sont totalement opposés à l'euro et au système de la BCE, ils proposent un retour à l'étalon or et un marché libre de la monnaie (pas de monopole étatique).
    Voilà, juste pour dire que tous les "libéraux" n'ont pas d'orgasme grâce à la BCE ;-)

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  2. @ Paul : merci des précisions. Je pensais il est vrai à Friedman en faisant le billet.

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