Mais est-ce une opération mal gérée ou de l'impérialisme ? Reprenons la définition donnée par les historiens de ce terme. Marc Ferro nous en donne la définition suivante :
L'impérialisme est une politique développée par un Etat qui cherche à conserver ou à étendre sa domination sur des territoires ou des peuples qui n'étaient pas sous son contrôle avant le lancement de ces politiques (je résume parce que la définition de Ferro est beaucoup plus longue).
Cela signifierait donc que l'OTAN tente d'imposer sa domination à l'Afghanistan, et que nous serions proche d'un système de type colonial dans ce pays.
A mon sens, on pourrait tout à fait répondre positivement à cette question. Si, au départ, l'intervention otanienne ne visait pas à soumettre l'Afghanistan mais simplement à retrouver des criminels et à détruire un régime dangereux, il y a bien longtemps que nous avons dépassé ce stade. Nos forces sont présentes depuis huit ans sur place et elles ne font pas que chercher Ben Laden. Ce pays regorge de richesses, permet à l'OTAN de surveiller Inde, Pakistan, Iran, Chine et Russie, est idéalement situé sur des routes pétrolières importantes. Ces facteurs pourraient nous inciter à rester.
Si nous nous enracinons, voire si nous renforçons nos troupes et continuons à soutenir un gouvernement pourri, le terme d'impérialisme sera une réalité. Ne nous faisons pas déborder et sachons ne pas retomber dans nos travers du XIXe siècle.
Reste une question : si nous partons maintenant, les talibans vont revenir. Absolument, mais nous devons assumer nos responsabilités. L'occupation et nos choix politiques ont rapproché les Afghans de leurs anciens oppresseurs. Cela devrait être une bonne leçon pour nos actions militaires à l'extérieur : la force n'a rien résolue dans ce cas, et risque même de nous enfoncer encore davantage dans nos difficultés.
La notion d'Empire déborde largement la simple conquête. Un empire a vocation à "civiliser" les populations conquises en superposant à leur organisation sociale un cadre juridique et administratif plus performant. Il est également garant de la sécurité de ses possessions territoriales, et crée de ce fait une vaste zone de paix et de prospérité. Les Empires romains, ottomans, austro-hongrois, français et j'en passe ne se limitaient pas à une simple domination militaire.
RépondreSupprimerCela dit, le mot "impérialisme" a pris de nos jour une connotation très négative et est immédiatement associé aux Etats-Unis, qui constituent bel et bien un empire. On a complètement évacué la dimension de civilisation universelle que contenait le terme pour le réduire à un anti-américanisme un peu caricatural.
@ Paul : j'ai du mal à relier ton commentaire avec mon billet. Que cherchais-tu à dire ?
RépondreSupprimerDans ce billet, je ne parle pas des Etats-Unis mais de l'OTAN, dont notre pays fait partie.
Je ne crois pas que tu vises juste, les occidentaux sont baisés dans leur bordel afghan, je vois tellement de choses à perdre et si peu à gagner à jouer le colon voulant contrôler l'Asie.
RépondreSupprimerComme tu le dis toi-même, les soldats meurent, le Pakistan part en couille, les Afghan rejette ONU, et gouvernement afghan (à juste titre).
Je ne peux pas concevoir qu'un gouvernement impliqué y trouve son compte.
Comparer Jospin à un Taliban...
RépondreSupprimer@ Manuel : les Occidentaux se sont faits baiser dans les colonies aussi, à vouloir contrôler le monde. Nous y trouvons forcément notre compte car nous ne resterions pas là-bas sinon.
RépondreSupprimer@ Nicolas : non, il n'est pas taliban, mais il a du mal à changer d'avis quand même.
Je voulais dire que l'impérialisme ne se limite pas à la conquête militaire, et n'est pas nécessairement une mauvaise chose. L'empire Romain, c'était bien non ? Pourquoi l'empire américain serait, lui, mauvais ?
RépondreSupprimer@ Paul : l'Empire romain a été conquérant, et a pacifié des zones conquises. Cela n'avait rien de bien. Par contre, tu as raison, l'impérialisme est multiforme, mais en Afghanistan, on est bien face à du militaire.
RépondreSupprimerOuais c'est cool l'impérialisme, on va chez des gens, on leur fout sur la gueule et on les force à penser comme nous. Et l'impérialisme américain il a encore mieux commencé, ils n'ont forcé personne à penser comme eux, ils exterminé la moitié d'un continent, et les survivants, ils leur ont juste demandé gentiment d'arrêter d'être nomade et de picoler dans un parc et de fermer leurs gueules.
RépondreSupprimerC'est vraiment chouette!
Great blog!
RépondreSupprimerMerci.
Merci Manuel ! Au passage l'impérialisme américain n'a rien à voir avec la conquête de l'ouest. Parenthèse fermée.
RépondreSupprimerPour ce qui est des Romains, oui, il ont conquis par des guerres sanglantes. Mais les tribus germaniques et celtes ne les ont pas attendus pour apprendre à s'étriper. Ce qui est important c'est de savoir pourquoi l'Empire romain (ou un autre) a eu besoin de s'étendre, l'a fait, et comment il l'a fait.
Il me semble que l'idée d'empire naît lorsqu'une forme d'organisation politique et militaire (les deux sont indissociables) atteint une supériorité telle dans son environnement que sa survie ne peut passer que par une expansion, et donc des conquêtes.
Remarque que je ne pose pas de jugements de valeur sur la supériorité : elle est uniquement technique.
Le modèle s'étend par la conquête, et se pérennise dans les zones conquises, un peu parce qu'il est imposé, mais surtout, in fine, parce qu'il est supérieur. L'empire romain a ainsi exporté les institutions et surtout le droit romain, ultramoderne pour l'époque, dans les différents pays d'Europe.
Pour en revenir à l'impérialisme américain, il me semble que celui-ci est avant tout de nature économique. D'ailleurs, sur ce point, je suis plutôt d'accord avec le point de vue marxiste : c'est un impérialisme capitaliste. La mise en place d'institutions "occidentales" a surtout pour but de favoriser l'ouverture des marchés aux capitaux étrangers.
Ce qui me fait dire que l'invasion de l'Afghanistan n'est pas vraiment impérialiste. L'objectif n'est pas de conquête, même économique, ni d'expansion du modèle occidental. C'est une invasion sui generis, qui a surtout pour explication les attentats du 11 septembre. C'est une réaction disproportionnée, une erreur qui coûte très cher à l'Amérique et à ses alliés car ils ne peuvent plus faire marche arrière.
Il y a des points positifs. Je viens de lire l'histoire d'une femme qui étudie à l'université de Kaboul (mixte, 25% de femmes). Il y a quelques années, elle s'était faite frapper dans la rue par les Talibans pour avoir ri sous sa burqa. Sa situation s'est nettement améliorée.
En effet, la conquête de l'ouest c'était l'impérialisme anglais devenu, par la suite, américain.
RépondreSupprimerHistoire que tu comprennes bien, mon commentaire réagissait à cette phrase:
"Je voulais dire que l'impérialisme ne se limite pas à la conquête militaire, et n'est pas nécessairement une mauvaise chose."
@ Paul : je suis en désaccord avec toi. D'abord, l'impérialisme économique peut être violent. Ensuite, en Afghanistan, il y a des intérêts stratégiques et énergétiques qui peuvent largement justifier une occupation.
RépondreSupprimerQuels que soient les motifs qui aient présidé à l'invasion de l'Afghanistan, maintenant que les Talibans sont out, il faut faire le nécessaire pour les terminer et s'assurer qu'ils ne reviennent jamais au pouvoir. La guerre était peut être une erreur, mais partir et laisser le pays au mains de ces enculés (je ne vois pas d'autre mot) en est une bien plus grande encore.
RépondreSupprimerNotons qu'il y a une forme d'impérialisme dans le fait de venir installer des institutions démocratiques dans ce pays. Est-ce une mauvaise chose ?
A mon avis oui.
RépondreSupprimerMouais, même si je pense que cette opération était une erreur, j'ai du mal à considérer que le remplacement du régime des talibans par des institutions démocratiques, même imparfaites, n'est pas un progrès.
RépondreSupprimerIdem pour l'Irak et Saddam Hussein.
@ Paul : la stratégie est un échec, car les talibans ne sont pas du tout out. Si on part, ils reviendront au pouvoir. Dans ce cadre, c'est une mauvaise chose, car un échec doublé d'un futur retour des talibans au pouvoir.
RépondreSupprimerEn Irak, c'est pareil. J'attends de voir ce qui va se passer lorsque les Américains partiront.
Oui ces deux guerres sont le Vietnam du début du 21e siècle. Et au Vietnam, ce sont les méchants qui ont gagné au petit jeu du bourbier.
RépondreSupprimer@ Paul : les méchants ? Drôle de vision de l'histoire... Les Vietnamiens ont vécu cette guerre comme une suite de leur guerre d'indépendance contre les colons. Je ne crois pas qu'ils aimeraient se faire qualifier de méchant. Par contre, les Américains l'ont vu comme une guerre de lutte contre le communisme. Cette différence de vision est sûrement une des causes du conflit.
RépondreSupprimerLes méchants ont gagné, mais bizarrement on ne vit pas mal dans ce pays de méchants...
RépondreSupprimerAu Chili, c'était qui les méchants au fait?
Les mecs vous le savez : pour Paul est méchant tout ce qui de près ou de loin se rapproche du communisme.
RépondreSupprimerLes Etats Unis des années 70/80 avec leur lutte "juste et humaniste" contre les affreux cocos sont donc forcément les gentils.
C'était une touche d'humour, je ne pensais pas que vous partiriez au quart de tour.
RépondreSupprimerLes américains ne sont pas spécialement "gentils", mais il est difficile de soutenir que le Vietnam du nord était un régime de rêve. Les boat people ça vous dit quelque chose ?
Pour moi le nord-Vietnam ou le Cambodge des khmers rouges n'ont rien de "communiste" au sens où les gens de gauche l'entendent en France. C'était tout simplement des dictatures totalitaires, fascistes, violentes. Comme l'URSS, comme la Chine. Il n'y a jamais eu de communisme dans ces pays, jamais eu d'égalité, jamais de réelle propriété collective.
Les américains défendaient leurs intérêts sans pitié, c'est certain. Mais n'importe quel être humain préfère vivre aux Etats-unis que dans l'un des régimes "communistes" qu'ils combattaient pendant la guerre froide. D'ailleurs, l'immigration (ou plutôt la fuite) ne s'est jamais faite que dans un sens...
Sinon, d'accord avec ta vision Matthieu. Les puissances occidentales ne comprendront décidément jamais que la démocratie n'est pas transposable de force, qu'on ne fabrique pas de l'extérieur l'histoire d'un peuple.
Faut le déceler ton humour! Pas évident...
RépondreSupprimerLes Vietnamiens ont connu une évolution tout à faire positive, que je sache, sans révolution, ni putsch ni rien de cela que je sache.
C'est peut-être que ton régime totalitaire n'en était pas tant un finalement.
@ Paul : le cas du Vietnam est très particulier. Il s'avère que dans ce pays, la lutte pour l'indépendance s'est incarnée dans la notion de communisme, du fait de l'engagement des communistes dans la lutte, alors que la droite vietnamienne a longtemps hésité et a même soutenu les États-Unis. D'autre part, le communisme nord-vietnamien est loin d'avoir été le plus totalitaire, et en ce moment, il vire au capitalisme partiel, comme en Chine. Cependant, il a eu sa période totalitaire aussi, ce que je ne nie pas.
RépondreSupprimerM'enfin Manuel, c'est pas parce qu'un régime politique a été attaqué - à raison ou à tort - par les États-Unis qu'il devient humaniste et tolérable par la grâce du saint-esprit anti-impérialiste.
RépondreSupprimerLes US avaient tort d'attaquer l'Irak, mais Saddam Hussein n'en reste pas moins un dictateur. Idem pour l'Afghanistan, la Corée du Nord, le Vietnam...
Entre Ho Chi Mihn et Pinochet, la seule différence c'est que le second a jugé opportun d'aller dans le sens des intérêts américains, alors que l'autre a préféré la Chine.
Est-ce que j'ai employé ces termes pour définir le Vietnam?
RépondreSupprimerJe dis juste, qu'il faut laisser les peuples se démerder, et que si tu prends l'exemple de l'Irak ou de l'Afghanistan, le monde était moins violent avant que le vengeur masqué ricains aille foutre sa merde. Les irakiens étaient bien moins niqués qu'il ne sont aujourd'hui et pour les longues prochaines années.
Je pense qu'on est plutôt d'accord sur le fait que les américains et leurs gros souliers ne font pas forcément le bien des peuples qu'ils prétendent aider. En Irak, c'est évident.
RépondreSupprimerMais si l'on regarde par exemple la Corée, où les américains sont allés lutter contre l'ennemi communiste, les aspects bénéfiques de leur intervention sont indéniables. Entre la partie sud qui a été "conquise" et démocratisée par les US et la partie nord laissée aux mains des dictateurs, la différence est notable.
Pour l'Afghanistan, comme tu l'as noté Matthieu, il y a une grosse confusion entre l'objectif sécuritaire des Etats-Unis, la volonté internationale d'installer un régime démocratique et les intérêts économiques et stratégiques des grandes puissances. On ne sait pas vraiment ce qu'on fait là-bas, ça aide pas les soldats internationaux à se faire accepter par les populations civiles...
@ Paul : en Corée, la situation n'a pas été la même. La Corée avait été une colonie japonaise, se trouvait libérée du Japon par l'occupation des deux superpuissances.
RépondreSupprimerMouais enfin, la Corée du Nord a attaqué le Sud, les américains sont venus à la rescousse et ont réussi a sauver le sud du communisme (je ne vois pas d'autre terme que "sauver").
RépondreSupprimer@ Paul : puis, ils sont rapidement partis. La Corée du Sud est fortement épaulée par la puissance américaine, mais elle est un Etat souverain aujourd'hui.
RépondreSupprimerDonc la question est de savoir pourquoi ils n'arrivent pas à faire pareil en Irak et Afghanistan. Bon l'échec est pas encore entériné, mais c'est quand même une belle merde.
RépondreSupprimerJe ne vois aucun début d'élément de réponse, mais au moins une leçon : même avec la plus forte armée du monde on ne peut pas changer les structures sociales d'un pays. L'autorité, la légitimité, ce n'est pas la force.
On envahit d'abord et on réfléchit ensuite, je pense que la raison des échecs est là.
RépondreSupprimer@ Paul : peut-être parce qu'ils ne veulent pas vraiment partir ?
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