jeudi 27 novembre 2008

La dernière décolonisation de l'histoire occidentale : le Groenland.

Je vais tenter, cher lecteur, de m'extraire de notre train-train habituel de blogueurs français parlant surtout du PS pour m'intéresser à une actualité complètement périphérique à notre champ politique national, mais qui mérite qu'on s'y intéresse malgré tout.

Avant-hier, les Groenlandais ont voté à une très forte majorité pour un statut d'autonomie qui promet à leur immense territoire une indépendance progressive. Près de 75% des électeurs se sont prononcés pour une loi qui va permettre au gouvernement local de prendre progressivement en gestion 32 domaines de compétences, pour finir par décider, quand il le souhaite, de se séparer définitivement du Danemark. La tendance est ancienne : dès 1982, les 56 000 habitants de cet immense territoire avait déjà décidé de quitter la CEE et de s'éloigner ainsi résolument de l'Europe.

Est-ce normal, cher lecteur, que les fiers Vikings habitant cette lointaine dépendance danoise souhaite quitter leur métropole ? En fait, contrairement aux clichés que nous avons d'habitude sur cette région, le Groenland, certes découvert par les Vikings au Xe siècle, est très largement peuplé de populations inuits liées à l'Amérique. Les communautés vikings qui s'étaient installées sur place ont mystérieusement disparues et les autorités danoises ont récupéré au XVIIIe une colonie peuplée d'Inuits. Certes, une petite population scandinave vit sur place, mais de manière très minoritaire (12% des habitants). Si ce territoire accède à l'indépendance, nous verrons naître le premier État moderne géré par des populations inuits. Je trouve que cela méritait d'être relevé.

Le divorce avec le Danemark est un processus progressif. D'abord, le gouvernement danois a mené une politique de civilisation du territoire qui a poussé les Inuits à abandonner leurs vies ancestrales pour se regrouper dans des villes délabrées où la situation sociale est désastreuse. En plus, il n'a pas réellement investi sur place, sans doute du fait de moyens peu importants. Enfin, le Groenland s'était déjà séparé de sa métropole une première fois durant la guerre, les Groenlandais se tournant vers les États-Unis et le Canada durant l'occupation allemande du Danemark. On aboutit, par ce vote, au terme d'un processus long et finalement assez logique.

Mais tu vas me dire, cher lecteur : "Mais qu'est-ce qu'on en a à faire de cette grande île gelée et qui en plus ne veut pas être européenne ??? Pourquoi tu nous barbes avec cette histoire ???"

Je vais te l'expliquer de suite. Ce que va vivre le Groenland est un processus de décolonisation. En effet, la population locale a la possibilité historique de casser les processus coloniaux. Comment les Inuits vont-ils gérer leur nouvel État ? Vont-ils retourner à la vie traditionnelle ? Vont-ils risquer un mélange entre la culture danoise et la culture inuit ? Vont-ils s'orienter vers une occidentalisation à outrance ou vers un renfermement sur soi ? Expérience très passionnante à suivre...

Mais ce n'est pas tout. Le Groenland est un territoire menacé par le réchauffement climatique. La couche de glace (inlandsis) qui couvre l'île fond doucement. Il est donc possible qu'on accède à une multitude de nouvelles ressources : cela fait plusieurs années que les Américains pensent trouver du pétrole dans ce pays. De plus, la fonte de la banquise va faire que le Groenland va devenir très important dans le contrôle de l'océan Arctique. Aujourd'hui, une base de l'OTAN est installée à Thulé, et, pour toutes ces raisons, il est sûr que les États-Unis et le Canada vont se tourner vers ce territoire et tenter de l'influencer.

Ce processus est d'autant plus inévitable que le Groenland, s'il s'oriente vers un mode de vie à l'occidental, n'en a pas aujourd'hui les moyens. Alors que les conditions sur place sont rudes et que les besoins sont importants, l'activité économique est centrée sur la chasse et sur la pêche. L'exploitation des matières premières, trop coûteuse, a quasiment été abandonnée. L'industrie est inexistante. Ce pays risque donc très vite de devenir dépendant des grands pays voisins, alors qu'il commerce massivement maintenant avec le Danemark (65% de ses échanges en moyenne).

C'est pour cela qu'il me semble important que les grands pays européens ne perdent pas de vue le Groenland. Nous avons tout à gagner à ne pas laisser aux Nord-Américains la seule influence sur ce futur État. Ce jeune pays va avoir besoin de trouver des partenaires, des technologies, des échanges commerciaux. L'évolution future de cette région et ses richesses devraient amener l'Europe, loin de regarder le Groenland s'en aller, au contraire de s'y consacrer un peu et de préparer le terrain. Il y a là à la fois des intérêts économiques, militaires, stratégiques et politiques qui ne doivent pas passer à la trappe. Je suis persuadé qu'il est possible de trouver des moyens de collaborer avec le futur gouvernement groenlandais sans pour autant maintenir la tutelle coloniale danoise. Voilà une nouvelle politique pour l'Europe à définir...

10 commentaires:

  1. Je ne te connaissais une telle froideur capitaliste internationale...
    D'après ce que tu as écris, je dirais que Groenland va se tourner naturellement vers ses voisins occidentaux, pour des raisons historiques que tu as citées, et peut être aussi parceque l'Europe n'a pas un pouvoir d'attraction suffisant.
    On veut devenir américain mais pas européen.

    RépondreSupprimer
  2. @ Manuel : le climat me rend froid...

    Je crois qu'il n'y a pas que l'attirance pour les EU, mais aussi une logique stratégique. Ce territoire est intéressant économiquement et stratégiquement. Les Groenlandais auront des problèmes et se tourneront sans doute vers les plus offrants.

    RépondreSupprimer
  3. Je ne dis pas le contraire, mais j'ai le sentiment que l'attirance ira vers l'ouest.

    RépondreSupprimer
  4. @ Manuel : là, on entre dans la politique fiction. Être allié des Américains n'a pas que des avantages : si on offre le choix entre cette alliance qui créera une soumission et une alliance plus libre, on peut avoir des chances.

    RépondreSupprimer
  5. Ben comment faire autre chose que de la politique fiction quand je ne suis absolument pas au courant de cet évènement...?

    RépondreSupprimer
  6. Mais ce n'est pas un reproche !!! J'adore la politique-fiction : c'est ce qu'on fait tous les jours.

    RépondreSupprimer
  7. bon alors c'est bon, j'ai eu peur que Prof Mathi me mette au coin...

    RépondreSupprimer
  8. @ : non, c'est bon, tu auras un bon point.

    RépondreSupprimer
  9. Un point?? C'est tout?...
    Prof de merde!

    RépondreSupprimer
  10. @ Manuel : il faut travailler plus pour gagner plus, mon coco.

    RépondreSupprimer