jeudi 29 juillet 2010

Au bord du précipice...

Dans son journal de juin, notre troll de luxe parle de nous, les Trois Gueules, et s'exprime ainsi :
Manuel m'intéresse beaucoup, en ce moment, de ce point de vue. Il est en train d'accomplir une sorte de mue. Et il a peur de ce qui lui arrive, ce qui peut se comprendre. Il a vécu comme vivent ses deux autres “gros bills”, et notamment Fabrice, à la limite de l'autisme, bien installé dans le Camp du bien. Manuel, lui, est en train d'ouvrir les yeux et de regarder le monde. Il s'en inquiète, c'est normal. Et c'est bien pour cela que, de temps en temps, il “convoque” des “fachos” fantasmés, parce qu'il a encore besoin de se rassurer : ce qu'il voit, ses yeux ouverts, l'effraie. L'effraie encore plus ce qu'il va devenir, évidemment. Il y a quelque jours, je lui ai demandé son adresse mail pour lui dire “des choses”. Il me l'a communiquée, en effet. Mais, là-dessus, je n'ai plus osé lui dire quoi que ce soit, et j'ai prétendu avoir tout oublié.

Que voulais-je lui dire ? Plusieurs choses. Deux, en fait, et tout à fait liées. Que le temps de leur “blog à trois” est probablement terminé. Mais il doit très bien le savoir, puisqu'il est désormais le seul à alimenter celui-ci.

La deuxième chose est qu'il vient d'ouvrir les yeux. Et qu'il va voir de plus en plus de choses désagréables. Pour le moment, il s'en défend, et c'est normal : il convoque encore, comme je l'ai dit plus haut, des “fachos” inexistants, des repoussoirs, des monstres pas regardables. Parce qu'il a encore besoin de se voir beau dans le miroir, comme le font ses deux amis.

Ce qui est amusant, c'est que, de ces trois bills, Manuel est le seul que je n'ai jamais rencontré. Bon, j'ai très peu rencontré Fabrice non plus, puisque c'était à la Comète, où je suis arrivé très tard (après un dîner avec Juan Asensio et Criticus), et que je me suis écroulé, au sens le plus physique du terme, peu après mon arrivée.

Pour conclure : ces trois jeunes gens sont en train de se séparer les uns des autres, me semble-t-il (mais je peux bien entendu me tromper du tout au tout sur la qualité et la solidité de leurs relations triangulaires) et ne le savent pas encore.
Ce passage m'a intimement touché, sur plusieurs aspects.

Il est d'abord étonnant de voir un étranger (excusez-moi, Didier, mais nous nous connaissons peu, finalement) écrire sur notre amitié. En effet, nous nous connaissons et nous nous pratiquons, tous les trois, depuis le lycée. Certes, nous avons souvent été en désaccord, sur de nombreux points, et les disputes de Fabrice et de Manuel, sur des sujets divers et variés, faisaient déjà le tour de la cours de notre pauvre établissement.

Ces différences sont réelles et pourtant, elles n'ont jamais réellement entamé nos amitiés respectives. Sans doute celles-ci s'appuient-elles sur d'autres ressorts que sur la politique. Et pourtant, le débat entre nous trois est resté toujours au coeur de notre relation.

Je me souviendrais toujours d'un nouvel an (1996 ou 1997 ?) que nous passions dans le Gers. En pleine nuit, alors que c'est normalement le moment où on danse et où on essaie d'oublier le poids des choses, nous parvînmes à nous affronter sur Israël, là, perdus que nous étions au milieu d'une campagne lointaine. Manuel jeta à la figure de Fabrice je ne sais plus quel objet qui traînait là.

Il y a deux semaines, lorsque nous étions dans l'Allier, j'ai noté que nos sujets de conversation avaient tout de même évolué, et que les disputes étaient moins fréquentes et moins violentes. Nous étions capables de nous balancer des choses à la figure, parfois très dures, sans que la dispute démarre immédiatement et que l'un d'entre nous doive aller faire un footing pour se calmer.

Peut-être faut-il y voir le poids du vieillissement, même si nous ne sommes encore que dans la trentaine. En avançant, en apprenant de la vie et du poids des expériences, nous devons nous rendre compte de la richesse et de l'importance des amitiés, même si la vie nous amène parfois sur des chemins très différents.

Le temps passe, putain...

21 commentaires:

  1. Bien heureux d'avoir provoqué ce texte. et il va de soi que ce qu'on écrit dans un journal n'est jamais que l'impression d'un moment (le moment où l'on écrit), assez volatile, toujours susceptible d'amendements, de corrections, de pentimenti, etc.

    Il est probable que, deux mois plus tard, je ne l'écrirais plus, ou en tout cas pas comme cela.

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  2. J'avais oublié ce texte...
    En le relisant, (j'avais le privilège de le lire brut de décoffrage en avant première!) j'ai l'impression que Didier me prend quand même un peu pour un môme un peu paumé qui cherche sa voie. On se cherche toujours un peu, mais c'est l'étape de l'adolescence, ou post-adolescence dont il parle, là, mais bon, ça m'amuse de lire une tentative d'analyse psychologique de ma personne par quelqu'un ne m'ayant jamais rencontré. C'est bizarre qu'il me pense si gamin, alors que Fab et surtout Math ont eux, vraiment des gueules de vieillards, et n'ayant recontré qu'eux, je m'étonne qu'il ne me prenne pas également pour un vieillard... Enfin.
    Si je ne jette plus rien à la gueule de Fabrice, c'est parcequ'il a appris que sur certains sujets, il fallait montrer de la retenue, ce qu'il fait. J'imagine que c'est une marque de respect, facile de parler d'un sujet qui ne touche réellement que son interlocuteur (moi!) Je peux garantir que s'il recommençait à balancer ses conneries sur Israël, il se prendrait encore une chaise ou deux sur le coin de la gueule.
    En gros, je pense que tu te plantes un peu, mon Mathieu à l'amitié angélique. Richesse et importance de certaines amitiés, biensûr, mais figées et éternelles, non. L'évolution personnelle d'un ami peut provoquer un éloignement et une rupture, et cela aujourd'hui plus que jamais car nos caractères et convictions sont relativement bien forgés et donc les différences sont plus difficilement acceptables, l'âge comme tu dis...
    Enfin, jusque là tout va bien!
    N'en vous déplaise, mon cher Didier

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  3. Didier, vous mangez toujours avec le petit merdeux?

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  4. @ Didier : c'est bien ainsi que je l'avais compris.

    @ Manuel : je n'ai pas dit que les amitiés n'évoluaient pas, j'ai dit qu'elles pouvaient tenir malgré tout, malgré les différences. Je ne nie pas qu'elles puissent se distendre par ailleurs.

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  5. @ Mathieu

    Tu réécris l'histoire camarade : au lycée je ne pouvais pas avoir de disputes avec Manu pour la simple raison que nous n'étions pas vraiment ce que l'on appelle des "potes". Les engueulades sont venues plus tard, une passion commune pour Patrick Hernandez nous ayant liés...

    @ Manuel

    Tu as raison sur un point : en devenant adulte j'ai appris (tardivement donc) à éviter d'attaquer sur les sujets qui peuvent blesser les amis. Pour les chaises je te conseille quelques mois de muscu avant quand même, ce serait ballot de ne pas arriver à la lancer assez loin ;)

    @ Tous les deux

    et sinon les mecs, à part perdre du temps à vous intéresser à l'avis d'un poseur vous n'avez rien à foutre ? Je sais pas moi, apprendre à ta nana à jouer au UNO pour l'un et pour l'autre écrire un "que sais-je" sur la pêche à la carpe en fin de matinée avec comme appât des tranches de pain de mie (parce que franchement je n'y aurais pas assisté je n'y aurais pas cru) ?

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  6. @ Fabrice : si, justement, comme vous ne pouviez pas vous sacquer, à l'époque, vous vous engueuliez.

    D'autre part, je n'ai pas compris ce qu'était un poseur.

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  7. Un poseur? Je pensais que c'était un type qui la pète... Didier? Je ne vois pas.
    Le looser du Uno qui parle de pêche à son compagnon de décimation d'étang??

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  8. Manuel : je ne vous prends nullement pour un môme ! Mais il me semble avoir constaté chez vous, à vous lire, une évolution, un mouvement, c'est tout. Et puis, je tiens tout de même compte des 20 ou 25 ans qui nous séparent, mais sans vous les imputer à charge le moins du monde.

    Et puis, si mes petits aperçus de poseur ont pu vous donner l'occasion de quelques mises au point rapides, ce n'est déjà pas si mal...

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  9. C'est quoi un poseur????
    Sinon, fort heureusement que j'évolue, j'aurais bien l'air con de me figer à à peine plus de 30 piges!
    Une évolution ne veut pas dire une perte de mes convictions, mais très certainement moins de place à l'indulgence, c'est certain.

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  10. Je sais, je me mêle de ce qui ne me regarde pas mais "une passion commune pour Patrick Hernandez ", mazette, ça crée des liens en effet ! :)
    bon ok je sors !

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  11. Un poseur, c'est quelqu'un qui prend la pose, un frimeur, un type infatué de lui-même, qui cherche à se faire admirer en bombant le torse. Ce genre-là, voyez...

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  12. Pas exactement.

    Un poseur c'est celui qui croît être l'artiste alors qu'il n'est que son sujet.

    Un type qui pond un billet pour faire comprendre à ses lecteurs que le "tout paris culturel" le lit aussi et le préfère avec la moustache...

    Un fat quoi...

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  13. Mouais, somme toute, ce billet m'a amusé plus que la plupart des écrits de Mathieu et Didier, donc les considérations poseuses, je m'en tape un peu.

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  14. Définition de "poseur" dans mon Robert :

    Poseur n. : Personne qui a l'habitude de poser. V. Fat, pédant, snob. "Quel poseur !" "On la traitait de poseuse." - Adjectivt. "Il est terriblement poseur" V. affecté, maniéré, minaudier, prétentieux.

    "...j'apporte d'un garçon de cabine qu'on s'accordait à me trouver poseur, voire insolent ?" Céline, Voyage au bout de la nuit, p.107.

    "Ce stupide succès de récitation, et la réputation de poseur qui s'ensuivit, déchaînèrent l'hostilité de mes camarades ;..." Gide, Si le grain..., I, IV, p.112.

    J'adore les vieux dictionnaires. Au final, la définition me semble correspondre à vos deux interprétations.

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  15. Et moi j'adore ta façon si particulière de toujours placer un "moi je suis un peu d'accord avec tout le monde" quel que soit le sujet ;)

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  16. @ Fabrice : d'un autre côté, tu disais la même chose que Didier, mais sans le reconnaître.

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  17. J'apportais une précision nuance.

    Un fat n'est pas nécessairement infatué de lui-même, en l'occurrence je pense même que le sujet d'observation dissimule une détestation de ce qu'il juge être sa médiocrité sous des dehors agressifs et bêtement prétentieux.

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  18. @ Fabrice : je laisse Didier dire s'il estime être dans cette catégorie.

    Tiens, tu t'es tapé le journal dans son ensemble ? Pour quelqu'un qui dit ne pas avoir de temps à perdre...

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  19. J'ai lu le billet pendant mon temps de travail, un temps déjà perdu pour moi...

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  20. Parceque t'es revenu au travail?

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