samedi 20 juin 2009

Martine Aubry peut-elle vraiment changer le PS ?

Lorsque Martine Aubry a pris la tête du PS, j'ai éprouvé une sorte de soulagement. Au moins, on n'allait pas avoir Ségolène Royal, et on pouvait espérer un petit peu de cohérence intellectuelle. De plus, la stratégie choisie par la première secrétaire semblait relativement en phase avec la composition du parti : s'appuyer sur les courants et les leaders pour créer une dynamique.

Pour faire un peu d'histoire, cher lecteur, il faut se remettre en perspective. Lorsque François Mitterrand prend la tête du PS lors du congrès d'Epinay, il s'appuie sur la logique de courant. Ceux-ci ont fait la force du Parti Socialiste dans les années suivantes. Réunissant des idées et des personnalités diverses, le PS a pu brasser des frontières de l'extrême-gauche jusqu'aux frontières du centre-droit. Cette capacité de mobilisation a été utilisée par François Mitterrand pour réunir des électeurs qui se dispersaient auparavant, en profitant de personnalités marquantes comme Michel Rocard ou Jean-Pierre Chevènement. Cette stratégie aurait aussi permis (je reproduis là l'opinion d'un de mes collègues) de réduire progressivement le PCF, pourtant très puissant électoralement dans les années 1970 et appuyé sur un important réseau d'élus, à la portion congrue. Il a pu ainsi se hisser à la présidence de la République.

Martine Aubry avait donc la volonté de se relancer dans le même genre de logique, en utilisant la variété de son propre parti : ainsi se côtoient des gens comme Claude Bartolone, Arnaud Montebourg, Jean-Christophe Cambadélis, André Vallini ou Benoît Hamon au sein même de sa direction, à l'exception des royalistes bien sûr. De même, les listes des européennes ont été constituées en respectant les courants, y compris les royalistes pour le coup.

Pourtant, ce qui ressort aujourd'hui est l'incapacité de Martine Aubry de manœuvrer l'énorme appareil du PS et ses courants. On a même le sentiment que Martine Aubry a de plus en plus de chefs autour d'elles qui pèsent pour que, surtout, rien ne bouge dans un sens ni dans l'autre. Les atermoiements autour du Congrès de Versailles du 22 juin en sont la preuve.

L'explication tient à la structure même du PS. Ce parti, même s'il a encore des militants, est progressivement devenu un parti d'élus, qu'il n'était pas du tout en 1971. Il faut rappeler, cher lecteur, que le PS a gagné régulièrement des élections locales depuis 2002 : les régionales, les cantonales, les dernières municipales… Pour ces élus locaux, l'important est de conserver le mandat et ses prérogatives, qu'elles soient pécuniaires ou politiques. Dans ce cadre, à quoi servent les élections nationales ? Si jamais on l'emporte, on risque de mener une politique qui ne plaît pas et de perdre nos mandats locaux. Autant, dans ce cas, ne pas gouverner et laisser à la droite la charge de l'impopularité : au moins, on touche le jackpot localement.

Martine Aubry va donc devoir engager des efforts surhumains pour espérer obtenir quoi que ce soit d'un tel appareil. Je pense d'ailleurs que Ségolène Royal aurait eu les mêmes difficultés.

Le problème, cher camarade socialiste, est qu'au bout d'un moment, il y a un gros risque que cette inactivité et cet abandon des Français au pouvoir sarkozyste te retombe dessus, et que tu perdes rapidement l'ensemble de tes mandats locaux. Il suffit de quelques années pour cela : repense à l'évolution du PCF. L'occupation du pouvoir central peut quand même aussi avoir un intérêt pour rester présent localement.

J'admets que je n'aimerais pas être à la place de la première secrétaire. Que faire ? Bosser le programme, rénover l'appareil ? Je crains que personne ne veuille aller ni dans une voie, ni dans l'autre.

8 commentaires:

  1. Depuis quelque temps, lorsqu'un blogueur se penche sur le fonctionnement du PS, j'ai toujours un peu l'impression d'être en face d'un médecin-légiste.

    (Je sais, c'est facile...)

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  2. @ Didier : facile, mais pas forcément faux...

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  3. On peut penser que le PS entre dans la même spirale mortifère que le PC il y a 2O as... La différence c'est que derrière il n'y a rien!Ce n'est plus un problème de leadership ni d'idéologie: le PS est devenu un rassemblement hétéroclite d'idées, de personnes, d'histoires qui ne se retrouvent plus ensemble. Triste. Surtout maintenant.

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  4. @ Hermès : le problème, c'est que nous payons cela tous les jours.

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  5. J'aime bien ton billet, je n'y avais jamais pensé sous cet angle.

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  6. @ Manuel : merci. Je signale quand même qu'une bonne partie de cette analyse a été glanée en discutant avec des militants PS, mais je la trouvais intéressante.

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  7. faut rentrer dans sarkozy jour après jour, d'abord car la présence du PS dans les médias est liliputienne

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  8. @ Peuples : ça, oui, mais il faut aussi que les médias laissent faire, ce qui n'est pas toujours évident.

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