En fait, je crois que nos contradicteurs font une erreur fondamentale d'interprétation de nos modes de pensée. Personnellement, je ne me sens absolument pas coupable des crimes ou des idées débiles développées dans le passé. Certes, mes ancêtres ont parfois fait des bêtises. C'est le cas de la colonisation ou de la collaboration. Cependant, je n'étais pas là, et je n'ai donc pas à assumer quoi que ce soit sur ce sujet. De plus, je n'ai pas vécu cette période, mais je sais qu'une grande majorité des Français soutenaient l'idée d'empire colonial dans les années 1930, et que Pétain a été vu comme un sauveur, au moins durant la première année, par une ultra-majorité des Français. Je ne vois pas pourquoi j'aurais été différent à ce moment-là.
Par contre, nous avons à gérer ce passé historique, qui, parfois, a encore un impact sur la vie de notre pays aujourd'hui. C'est le cas de la colonisation. Je reste persuadé que le rapport des Français avec les immigrés de l'ancien Empire sont en lien avec ce passé colonial. Il subsiste dans notre inconscient collectif cette idée d'enfance de l'indigène, d'infériorité, que les Français doivent aider et éduquer. De même, le personnage du jeune de banlieue un peu sauvage me semble correspondre assez strictement à la définition que donnait Jules Ferry de l'œuvre civilisatrice de la France en 1885. Finalement, Jean-Pierre Chevènement, en employant ce magnifique terme de « sauvageon » en 1998, en parlant des jeunes des cités, nous rappelait la persistance de la pensée colonialiste dans notre beau pays, y compris à gauche : comment ne peut-on pas voir le lien avec le terme de « sauvage » qu'utilisait Montaigne.
Pour gérer ce problème, je crois qu'il faut totalement assumer notre passé. Si la France a commis des crimes, s'est comportée comme une grande puissance dominante qui a écrasé de nombreux peuples durant cette période, il faut tout simplement l'admettre ! C'est un fait historique, qu'il faut expliquer à nos enfants (pourquoi cela s'est-il produit ? Quel était le contexte idéologique ? Quelles résistances ?). De même, il faut montrer quelles idées et quelles valeurs se sont exprimées dans la collaboration, et lesquelles dans la réaction du général de Gaulle et des résistants. Il ne faut pas gommer ces actes : quand on aime quelqu'un ou quelque chose, on le prend en entier, dans sa totalité, avec ses qualités et ses défauts. La France, c'est la Révolution française et la colonisation. C'est la résistance et la collaboration. C'est la droite et c'est la gauche.
Par contre, ce qui provoque souvent ma réaction outrée, c'est la persistance des idées qui ont fondé ces crimes dans notre société. Finalement, il ne s'agit pas de faire de la repentance gratuite. Envers les anciens colonisés par exemple, il est important de rappeler, et ce même quand notre gouvernement va dans l'autre sens, que tous les Français ne partagent pas cette volonté de nier le passé historique de la France. Nous n'en avons pas honte, mais nous ne sommes pas prêts à laisser les choses se reproduire et perdurer.
Ce qu'il faut prendre en compte, c'est le passage du temps. Autant on peut saisir que les Français de 1880 aient pu être dominés par des raisonnements de puissance et racialistes concernant la colonisation. Autant il est totalement anormal que subsiste aujourd'hui dans notre société, alors que les idées ont avancé depuis, les mêmes valeurs et les mêmes idées. En assument nos actes passés, nous pouvons nous départir de ces idées, et passer à autre chose…
Au niveau du passage "C'est la droite et c'est gauche", avez-vous voulu dire droite=collaboration+colonisation et gauche=révolution+résistance ? Si c'est le cas n'est-ce pas une réduction un peu dangereuse et inexacte ?
RépondreSupprimerTrès excellent billet, au moins jusqu'à cette fin de paragraphe :
RépondreSupprimer« La France, c'est la Révolution française et la colonisation. C'est la résistance et la collaboration. C'est la droite et c'est la gauche. »
Ce passage semble induire que la droite correspond aux deuxième terme de chacune des deux phrases précédentes et la gauche aux deux premiers ; ce qui est faux.
Passer à autre chose serait en effet une très bonne chose. C'est ce que disent de plus en plus d'historiens africains, du reste, lorsqu'ils reprochent à leurs compatriotes de se complaire dans le ressentiment envers "l'homme blanc", plutôt que de regarder en face leurs propres tares, et notamment les dictateurs corrompus et affameurs qu'ils tolèrent comme dirigeants.
Mais enfin, en gros, je trouve ce billet parfaitement équilibré et argumenté. Même si je sais qu'au fond nous ne portons pas le même regard exactement sur ces questions.
Ah ! mon commentaire s'est croisé avec celui de Quentin... qui pose la même question que moi !
RépondreSupprimerJe ne me permettrais pas de répondre à la place de Mathieu, mais le connaissant, je suis convaincu qu'il n'a pas voulu exprimer la réduction dont vous parlez...
RépondreSupprimerSinon, oui bon billet, sain.
Oui, je ne crois pas que Matthieu ait voulu dire ça. Sinon ça obscurcirait le très bon billet.
RépondreSupprimerDe toutes manières, tout le monde se grandit à reconnaitre ses erreurs, et à les assumer. Ceux qui les cachent ne sont pas bien grands, et souvent ils en refont d'autres, des erreurs. Plus graves...
Tout comme Didier, je ne partage pas toutes les positions de Matthieu. Mais "équilibré" est un joli terme pour définir ce billet bien foutu, et agréable à lire...
Manuel et le Faucon : je ne le pensais pas non plus, à vrai dire, cela ne lui ressemblait en effet pas trop.
RépondreSupprimerUne autre objection qui me vient, à propos du titre même du billet : je ne pense pas que l'on puisse employer le mot "crime", ici. D'abord parce qu'un pâys ne peut commettre de crime : seuls les êtres humains le peuvent. De plus, pour qu'un humain commette un crime, il est nécessaire que son acte soit déjà considéré comme criminel au moment où il le commet. Or, la colonisation, au moins en ses intentions et en ses débuts, était perçue par une grande majorité de gens (de gauche comme de droite) comme quelque chose de bénéfique, et de bénéfique pour les deux parties concernées.
A la lecture du texte, le point de détail que vous soulevez ne m'a pas effleuré cependant si l'on voulait interpréter cette alternance comme une manoeuvre de l'auteur, l'alternance positif-négatif, positif-négatif, droite-gauche serait plutôt en faveur de la droite justement.
RépondreSupprimerJe pense donc qu'il n'y avait là aucune malice, connaissant le point de vue de Mathieu.
Tout le monde a l'air d'accord sur l'absence de malice de Mathieu, c'est bien.
RépondreSupprimerLe coup du crime de Didier est intéressant, en tout provoque chez un poil de réflexion...
@ Quentin, Didier, Seco et le Faucon : franchement, je n'ai pas voulu faire un lien avec la droite, la collaboration et la colonisation. J'ai failli marqué "le vin et la bière" et je ne l'ai pas mis, trouvant que cela ne faisait pas sérieux. D'ailleurs, je me demande bien à quoi vous auriez relié la bière et à quoi le vin.
RépondreSupprimer@ Manuel et Didier : je ne suis pas d'accord avec Didier sur le crime. Certes, ce sont les individus qui les commettent. Cependant, un gouvernement peut pousser ou laisser faire des crimes. Ce fut le cas de la France dans les colonies ou durant la collaboration. Dans ce cas, on peut dire que l'État français a de réelles responsabilités.
Par contre, en effet, l'idée de "crimes de la France" est poussée, mais j'ai fait cela pour attirer quelques trolls réactionnaires... ;)
Trop facile, le coup de l'appeau à trolls !
RépondreSupprimer@ Didier : certes. Et sur le paragraphe précédent ?
RépondreSupprimerRéflexion intéressante. Je pense qu'il y un élément qu'on oublie dans ces histoires, c'est le coté affectif de l'Histoire. Lorsque dans une démarche saine et objective on analyse les "crimes" de la France et les atrocités commises par l'État français, certains se sentent agressés, parce qu'ils sont français, et assimilent les actions de l'Etat français à la "France", et la France aux français. Si on dit : l'Etat français s'est comporté de manière honteuse, il y a des gens qui croient que la honte rejaillit sur eux. Que nenni ! Il n'est pas question de rougir ni d'être fier de ce qu'ont fait les différents gouvernements qui dirigeaient le Léviathan de l'hexagone. C'est de l'histoire, c'est du passé...
RépondreSupprimerOuais enfin, on est bien contents que les allemands n'aient pas eu la même démarche, Paul...
RépondreSupprimerMais je ne peux que me répéter : la colonisation, lorsqu'elle s'est produite, N'ÉTAIT PAS perçue comme un "crime" ! C'est nous qui, rétrospectivement, l'avons déclarée telle. Pour la collaboration, c'est différent : il y a belle et bien responsabilité "criminelle" (si vous tenez absolument à ce mot) de la part des gouvernants (notamment des élus ayant voté les pleins pouvoirs à Pétain), mais certainement pas des Français dans leur ensemble.
RépondreSupprimer@ Paul : partiellement d'accord. Les citoyens ont aussi élu ces dirigeants. Si maintenant, les idées à la con sont identifiées, les citoyens se doivent de les expulser du champ politique, ce qu'ils ont parfois du mal à faire, malheureusement.
RépondreSupprimer@ Didier : pas d'accord. Dès le début, des hommes politiques se sont opposés au processus colonial. Rien que Clémenceau, pour commencer. Donc, les Français ont soutenu, au moins dans la première moitié du XXe siècle, l'idée d'empire et tous les crimes qui vont avec. Pour Vichy, il est vrai que Pétain n'a pas été élu.
C'est marrant mais pour moi, la revolution, la resistance, c'est surtout de gauche quoi. Meme Jospin l'a clame devant l'Assemblee a l'epoque :) .
RépondreSupprimerLe royalisme, c'est quand meme vachement de droite... non?
@ Tinou81 : je suppose que c'est de l'humour...
RépondreSupprimerLe mea culpa permet d'éviter de reproduire les mêmes erreurs a l'avenir, et franchement je suis certain qu'un Pétain pourrait revenir et que le français pourrait se muer en infâme collabo dans une situation comparable a 39-45.
RépondreSupprimerLa colonisation? Elle n'est pas fini, elle a juste pris une autre forme, mais y'a qu'a jeter un oeil en Afrique pour voir comment nous suçons encore nos ex-colonies, même si on est en train de se les faire piquer par les chinois>
@ Manuel : ouep, c'est dramatique quand on y pense...
RépondreSupprimer@ Mathieu : oui tu as raison. Mais ce raisonnement ne s'applique pas pour les époques où nous n'étions pas nés ou en âge d'agir.
RépondreSupprimer@ Paul : tout à fait, mais là, je parlais de maintenant.
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