samedi 10 janvier 2009

Et maintenant, on s'arrête quand ? L'échec de l'offensive israélienne sur Gaza.

Comme tu as pu le lire ces derniers jours, mes petits camarades de ce blog sont en pleine effervescence depuis le début des opérations militaires de Gaza. Personnellement, je ne m’étais pas encore exprimé sur l’opération en elle-même. J’avais juste évacué les aspects soi-disant sécuritaires de l’opération pour y voir uniquement des côtés politiques. Malheureusement, Ehud Olmert ne lit pas mes blogs et a donc lancé l’offensive sur Gaza. Cela fait maintenant deux semaines que cela dure, et on ne voit pas trop comment on va en sortir.

On a pourtant déjà une vraie leçon à en tirer : le Hamas va en sortir vainqueur. Là, cher lecteur, tu vas me dire que je déraille, que le Hamas est sous les bombes et qu’il n’y a aucune raison qu’il en tire un quelconque bénéfice. Je m’explique donc.

Le Hamas est un parti politique qui détient le pouvoir complet à Gaza. Il a soumis son peuple, évacué l’opposition, mais a échoué à améliorer le sort de la population. Pour tenir, il a donc relancé le conflit avec Israël, d’abord en s’armant de roquettes et ensuite en en tirant quelques-unes sur les Israéliens du coin, forcément terrifiés. Il a entretenu la peur en Israël et a entraîné la réaction du gouvernement.

Le gouvernement israélien se retrouve donc face à un mouvement terroriste. Il décide de bombarder les militants du Hamas pour tenter d’en finir avec les roquettes. Dans une région où la densité est très forte (1,5 millions d’habitants et 3 823 hab./km²), les victimes sont rapidement nombreuses, et les bavures apparaissent. Aujourd’hui, on en est à plus de 800 victimes, pour une opération qui devait toucher uniquement le Hamas. Ce matin, Israël annonce avoir réussi à tuer 15 militants du Hamas grâce à 40 frappes aériennes. On ne peut pas dire que l’action soit très efficace.

Tout vient du fait que la lutte n’est pas adaptée au problème. Dans une grande ville comme Gaza, détruire un mouvement politique ne peut pas se faire par des bombardements. Ces armes ne sont pas faites pour des opérations de police. De même, les tentatives pour bloquer les trafics de roquette me semblent vaines : une roquette Grad, c’est assez petit et cela se déplace sans grande difficulté. C’est une arme simple qui ne nécessite aucune technique particulière de maniement : n’importe quel couillon peut utiliser une roquette, qui tombera quelque part et fera peut-être une victime. La réponse par la force militaire est donc inappropriée. Si Israël voulait détacher les Palestiniens du Hamas, c’est encore un échec : pour la population locale, vaut-il mieux le parti dictatorial local mais qui dit qu'il nous défend contre les infâmes Israéliens, ou ceux qui nous bombardent sans bonnes raisons depuis deux semaines et détruisent nos maisons ? Vaut-il mieux voter pour un Fatah qui discute avec ceux qui nous bombardent, ou ceux qui ont l'air de leur résister ? Ce qui va se passer, c’est que les Palestiniens vont se souder autour de ceux qui les oppriment en réaction aux bombardements. Il est à craindre que le Hamas remporte les prochaines élections en Cisjordanie.

Alors, tu vas me dire, cher lecteur, qu’aurait-il fallu faire ? Là encore, on est dans un comportement politique responsable. Je crois qu’il aurait plutôt fallu rouvrir les portes de Gaza, et tenter de faire démarrer économiquement la Bande. Cette ouverture israélienne aurait montré que les discours du Hamas étaient sans fondements, et que les Israéliens ne voulaient pas opprimer les Palestiniens. L’erreur, ici, est d’avoir voulu punir tout un peuple pour le comportement d’extrémistes sur lesquels la population n’a plus réellement de contrôle sans prendre de grands risques. Certes, cela aurait été la source d’attentats en Israël, mais la paix est risquée ! Je sais que j’ai beau jeu de donner des leçons alors que je vis dans l’une des zones les plus sûres du monde, mais le seul moyen pour les Israéliens de sortir de tout cela est que les territoires palestiniens puissent sortir de la soumission politique à des puissances extérieures (création d’un État) et qu’ils puissent se développer économiquement. L’extrémisme et le terrorisme croissent sur le terreau de la souffrance des populations, et sur l’idée que les solutions démocratiques sont finalement impossibles.

Ce qui est encore plus fascinant, c’est qu’Israël s’est déjà plantée dans ce type d’opérations au Liban en 2006, et que jamais le Hezbollah n’a été aussi fort. Je reste d’ailleurs intimement persuadé qu’Olmert a voulu réparer ses erreurs précédentes, pour redorer son blason politique, et que cela explique qu’il s’accroche maintenant à cette opération-là, alors que Livni et Barack commencent à le lâcher, sentant que tout ce processus risque bien de se retourner politiquement contre eux.

Franchement, cher lecteur, je plains les deux peuples. Les voilà dirigés à des politiciens irresponsables, qui ne leur parlent pas de manière adulte, qui jouent sur les peurs de tous, et qui ne prennent plus aucun risque politique. Le pire maintenant risque d’arriver : le Hamas et Netanyahou au pouvoir dans les deux pays…

Au moins les extrémistes des deux camps seront-ils satisfaits.

23 commentaires:

  1. Je ne sais pas si on appeler l'opération un échec pour l'instant.
    Ce sera le peuple israélien qui déterminera si c'est un échec ou non.
    J'aurais également préféré une réaction Ghandiesque de la part d'Israël, mais ils ne l'ont jamais eue.
    En effet, il serait de voir comment évolue l'opinion publique internationale et palestinienne en cas de réaction israélienne pacifique.
    Toutefois, contrairement à toi, je pense que cette attaque affaiblit le Hamas, et qu'il lui prendra du tout de se reconstruire.
    Mais un jour, il faudra qu'Israël prenne le risque de ne pas répondre.
    Le spectre de 1993, avec les accords d'Oslo et en simultanée, les attentats du Hamas sur Tel-Aviv, ont rendu les israélien encore plus méfiants qu'avant.

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  2. @ Manuel : je crois que les Israéliens peuvent déjà se rendre compte de l'échec. Hier, 35 roquettes ont été tirées sur Israël.

    Affaiblir, oui. Du temps pour se reconstruire, oui aussi. Mais à terme, quel intérêt ?

    Le Hamas est contre la paix, cela va contre son intérêt politique. Les accords d'Oslo n'ont pas été signé avec le Hamas.

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  3. Les israéliens courent vers l'échec, c'est pourquoi Barak et Livni commencent à se désolidariser d'Olmert, qui comme tu dis veut se racheter de l'échec libanais, mais pour l'instant, c'est pas fait.
    Du temps pour reconstruire un plan de paix sans le Hamas.
    http://www.haaretz.com/hasen/spages/1054239.html
    En tout cas, c'est mon seul, se débarrasser durablement du Hamas et refaire de l'OLP son unique interlocuteur.

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  4. @ Manuel : refaire de l'OLP un interlocuteur ? J'ai du mal à y croire...

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  5. Abbas en fait. Le Hamas, tu peux oublier, il n'y aura pas de paix avec eux, parce qu'il n'en veulent pas et qu'Israël ne veut pas d'eux, donc c'est soit le parti de Abbas, soit soit la guerre éternelle. Donc, j'espère qu'Abbas reprendra la place de chef.
    L'Égypte, veut être débarrassée du Hamas, au même titre que plusieurs autres nations du coin, on verra bien.

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  6. @ Manuel : alors, ce sera la guerre éternelle. Je ne crois pas en Abbas. Peut-être faut-il espérer l'émergence de nouveaux leaders, des deux côtés...

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  7. Quand je dis Abbas, je veux dire autre chose que le Hamas.
    L'émergence de nouvelles têtes serait une bonne chose. Je pensais que Livni en était une, mais maintenant elle sera entachée par le conflit actuel.

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  8. @ Manuel : c'est dans ce type de période de vide que des audacieux peuvent tenter de s'infiltrer. Espérons...

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  9. je dois partir je reviendrais te lire plus en détail. mais il me semble que si l'on calmait les extrèmistes de tous bords, ils y aurait moins de débordements de part et d'autre.

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  10. Très bonne analyse.
    Seul une résolution de politique humaine peut avoir raison de ce conflit...

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  11. @ Manuel : le pire est toujours possible...

    @ Christie : Merci !

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  12. Je suis sceptique! Comment dire d'un côté que combattre le Hamas le renforce dans la population et lui fera remporter des élections, et d'autre part que la sagesse aurait été pour Israel de «rouvrir les portes de Gaza», bien que «cela aurait été la source d’attentats en Israël, mais la paix est risquée !»
    Ce qui est vrai dans un camp ne le serait pas dans l'autre? Le peuple israélien qui est exaspéré par les attentats et les tirs du Hamas, ne se tournerait pas de la même façon vers la pire droite?

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  13. @Coucou: A mon avis, la grande erreur d'Israël n'est pas cette guerre à Gaza, aussi atroce soit-elle, l'erreur, c'est de n'avoir pas fait plus de concessions, et donc d'avancées tangibles vers la paix en Cisjordanie, pour crédibiliser Abbas.

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  14. @ LCC : les extrémistes feront tout pour détruire ce qui fait leur fond de commerce dans cette région. Souviens-toi de Rabin, assassiné par un droitier israélien. Si Israël tentait une ouverture, le Hamas ferait péter des bombes en Israël pendant que les orthodoxes tenteraient de faire échouer le processus.

    Pour s'en sortir, les Israéliens devront risquer la paix.

    @ Manuel : d'accord avec toi.

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  15. Au point ou on en est, je pense que l'offensive risque d'aller jusqu'aux combats rapprochés en ville, tant qu'à faire, autant que le Hamas soit liquidé.
    Ensuite, il va vraiment falloir que le nouveau premier ministre avec un Obama concerné, fassent de réelles concessions à Abbas. Démantèlement des colonies, retrait progressif, avec en contre partie une action véritable du Fatah contre les groupes terroristes, au moins en Cisjordanie.

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  16. @Manuel

    On ne "liquide" pas une idéologie avec des fusils mais avec des écoles...

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  17. Les palestiniens ont jusqu'ici été un peuple laïc, le Hamas est une expression directe de leur détresse. On peut liquider le Hamas, qui est un obstacle à un paix hypothétique. Le tout c'est qu'ensuite il y ait une alternative positive, que l'on montre aux gazaouis que la solution Hamas est la mauvaise.
    Si on se contente de liquider le Hamas sans rien améliorer pour les palestiniens, nul doute qu'un nouveau "Hamas" apparaitra.

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  18. le pire c'est qu'on est pas en désaccord sur la solution, juste sur la façon de l'appliquer....

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  19. @ Manu

    Je suis pour la paix, pour la reconstruction de structures (hôpitaux, écoles, vraie police) permettant aux Gazaouis d'éviter de voter pour des extrémistes par désespoir, pas toi ?

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  20. Moi aussi bien sûr. D'ailleurs Mathieu a bien dit je ne sais plus où qu'Israël devait risquer la Paix, risquer de subir des attaques pour atteindre la Paix.
    Car contrairement à toi, je ne pense pas que si Israël respecte ses engagements il y aura la Paix.
    1994 reste gravé dans ma mémoire.
    Mais il faudra en passer par là.

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  21. @ Fabrice : entièrement d'accord, c'est par le développement que la paix viendra.

    @ Manuel : on aurait pu vaincre le Hamas sans cette guerre, un énorme gâchis qu'Israël va payer longtemps...

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