vendredi 15 mai 2009

Edwy Plenel vs Jean-Luc Hees.

Ce matin, il y a eu sur France Inter une scène assez étonnante. L'équipe du 7-10 recevait Edwy Plenel, venu défendre son manifeste. Jusque là, rien de bien étonnant. Plenel y défendait sa vision de l'information et faisait partager ses craintes sur l'avenir de la liberté de la presse dans notre pays.

Une nouvelle fois, je ne peux que te conseiller, cher lecteur, d'aller écouter l'émission, assez intéressante finalement. Plenel a suscité quelques interrogations chez moi, que je vous soumets ici :

  • Tout d'abord, il a affirmé avec force le fait que l'information ne doit pas être soumise à l'argent, comme elle ne doit pas l'être à l'État. Cette idée est totalement mienne. Évidemment, le journaliste y voit là un moyen de défendre son modèle, celui de Mediapart. Cependant, je reste circonspect devant le statut que devraient avoir les entreprises de presse. Comment les dégager de l'influence des lobbies et des pouvoirs ? Plenel a répondu à cette contradiction par la nécessité de maintenir un secteur privé et un secteur public. Soit. Mais que faire quand l'État est en collusion avec les pouvoirs financiers comme c'est le cas aujourd'hui ? Ben, rien, à priori.
  • Plenel a affirmé une chose qui m'a beaucoup touché. Prenant en compte l'existence des citoyens qui peuvent maintenant donner leurs opinions sur le web sans problème et être des éditorialistes, comme nous le faisons ici d'ailleurs, Plenel affirme que les journalistes doivent se concentrer sur l'information et la rendre la plus objective possible. Cela me semble très difficile à réaliser, mais c'est un bel objectif de principe. J'attends de voir comment les journalistes du Figaro ou de Libération suivront ce principe.
  • Enfin, Plenel s'est inquiété de la prise d'influence du politique sur les nominations des dirigeants des chaînes publiques par le pouvoir. Qu'il se rassure, on est inquiet. Il a d'ailleurs relaté le fait que les députés avaient été mis en défaut sur la nomination du président de la chaîne parlementaire, puisque le pouvoir aurait imposé son candidat. Même les députés ne pourraient résister à la volonté du président, alors que la chaîne parlementaire est leur chaîne. Bon, on le savait déjà, mais plus cela apparaît clairement, plus cela me semble gravissime.

Gaël, il y a quelques heures, nous conseillait de bien profiter des dernières chroniques de Didier Porte et de Stéphane Guillon. Plenel allait encore plus loin ce matin.

Et il y a eu une scène assez insolite à la fin de l'émission. A 8h57, Jean-Luc Hees a débarqué dans le studio et a demandé la parole, affirmant sa volonté de préserver la liberté du service public d'information.

Pour moi, Hees a réagi exactement à l'inverse de ce qu'il fallait faire. D'abord, en faisant cela, il a confirmé la validité du doute. Après tout, il a accepté le geste du roi en se faisant nommer. Ensuite, il a confirmé que sa nomination pouvait confirmer nos craintes. Enfin, il a crédibilisé le discours de Plenel.

Au moins Hees a-t-il assuré Plenel de sa liberté de parole sur Inter. On espère que Philippe Val aura entendu la consigne. Comme Plenel n'est pas salarié de la chaîne, pourquoi pas. Les autres journalistes auront-ils la même liberté ? A nous, avec nos tribunes d'opinion, de rester vigilant sur cette question, avec nos petits bras musclés

13 commentaires:

  1. Peut être que Philippe Val va passer ses rubriques du vendredi à des rubriques quotidiennes pour nous asséner sans cesse que France Inter est libre ??

    Hess est décevant à s'arroger une antenne : ça y est, elle lui appartient, donc ...

    Il a laissé à Plenel sa liberté de parole ??? Mais enfin, il est intervenu sur le temps de l'émission, et Plenel était invité !! et voilà, on se réjouit qu'il ne censure pas un invité dès sa première heure d'arrivée ...
    Et puis, il est parti en lui disant de continuer à aboyer, certes, il poursuivait une métaphore de Plenel, mais quand même, quel mépris ...

    Sur la conception de Plenel du journalisme, j'ai bien aimé aussi.
    Sur l'indépendance, le seul journal (hebdo, certes) qui n'a pas de pub (Le Canard) marche très bien, et va avoir un siècle d'existence dans 6 ans ...

    Et c'est vrai, ras le bol de confondre "donner son avis" - ce qui par démagogie pure suppose encore que tous les avis ont la même valeur, et c'est hautement contestable - et information.

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  2. @ Audine : je dois te dire que je suis d'accord sur le fait que Hees est décevant. Sur le reste, je te suis. Je voulais plus souligner le ridicule de l'intervention que son côté scandaleux.

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  3. Vous pensiez que Hees avait été placé pour quelles raisons?

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  4. Aussi décevant que le ton de sa voix est radiophonique et que Pathé Marconi.

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  5. @ Manuel : pour faire ce qu'il a commencé à faire.

    @ Mtislav : Plenel ou Hees ?

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  6. Cette farouche volonté d'indépendance me fait doucement rigoler. Ils veulent l'argent du ministère de la culture, mais sans intervention politique. Ils veulent leurs entrées dans les ministères et leur siège dans les avions du gouvernement, mais en gardant la distance.

    A la fin du mois, ils veulent être payés. Et ils aimeraient qu'on investisse davantage dans l'investigation. Mais à condition que les investisseurs la ferment sur la ligne éditoriale, sur le style général. Et tant pis si la qualité se dégrade dans l'ensemble.

    Résultat, on en apprend plus dans la presse étrangère que dans la nôtre. C'est pathétique.

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  7. Aurelien préfère les journalistes stipendiés.

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  8. Les "investisseurs", c'est nous !

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  9. Et la qualité d'Inter ne se dégrade pas, contrairement à ce que les libéraux veulent faire croire, le service public, quand il dispose de certains moyens, ça marche...

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  10. Libéraux ou pas, la question n'est pas là. Nos grands quotidiens nationaux n'offrent pas une qualité d'enquête suffisante.

    Même le Canard Enchainé, fier de son indépendance, a des méthodes douteuses inhérentes à la nature humaine.

    Les vrais investisseurs, en effet, c'est "nous". Et l'achat de ces journaux vaut de moins en moins le coup. A force d'exiger de ne dépendre de personne, pas même des clients, le résultat est médiocre.

    Et concernant la crise financière, le plan de relance ou l'Europe, la pauvreté du contenu ne peut vous échapper. Si ?

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  11. Effectivement, c'est souvent light.

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  12. @ Aurélien : le problème n'est pas là. Concernant la qualité, les clients sanctionnent, mais cela n'évacue pas le problème des pressions des politiques et des grands propriétaires de presse. Il faut trouver un moyen que le lecteur soit le seul juge de la qualité d'un journal.

    En effet, sur certains sujets, c'est light.

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