samedi 21 février 2009

Les caisses automatiques : déplaçons le travail vers les clients.

Dans le 200ème billet publié sur ce blog, Manuel attaque assez violemment les grandes surfaces qui maintiennent des prix élevés et leurs stratégies commerciales utilisant des cartes de fidélité aux avantages assez réduits. J’avais moi-même attaqué les cartes de crédit-revolving que lançaient les supermarchés au mois de septembre dernier.

Lorsque j’étais aux États-Unis, en avril dernier, j’avais découvert les caisses automatiques dans un supermarché de la marque Stop and Shop. Le principe est le suivant : tu te présentes devant la caisse, qui est une machine automatique, tu scannes tes articles toi-même, tu fais tes sacs tout seul, et puis tu payes, soit en utilisant ta carte de crédit, ta carte de débit, soit en usant de pièces et de billets. Dans ce supermarché, il y avait quelques caisses automatiques et quelques caisses encore tenues par des caissiers.

Sur le moment, on se dit que, dans notre tendance à l’individualisation, que c’est quand même mieux : on fait ses petites affaires tout seul, on ne parle à personne (et quand on est étranger, c’est plus facile), et c’est assez rapide quand on a peu d’achats.

Et puis, on réfléchit un peu : certes, on se dit que cela ne change pas grand-chose, mais du côté du supermarché, l’impact est évident. On a sabré dans la masse salariale et on a dégagé un petit bénéfice. On fait un beau transfert de charge, puisque c’est le client qui effectue un travail à la place du supermarché. Les prix baissent-ils pour autant ? J’en doute. Comment ces salariés vont-ils trouver du travail plus tard, si on supprime chaque jour un peu plus ces emplois peu qualifiés mais pourtant humanisants et utiles ?

Il y a quelques jours, je me suis rendu au supermarché Leclerc de Pantin (93), et j’ai pu découvrir que quelques caisses automatiques y avaient fait leur apparition. Pourtant, la grande distribution française s’était engagée à ne pas le faire de suite, et sans supprimer d’emploi. Franchement, je ne vois pas l’intérêt de maintenir des emplois si le travail est fait par des machines et par les clients, qui paient et sont contents de travailler.

Ce qui est encore plus dommageable, ce sont les nombreux clients qui vont être incapables d’utiliser ces machines. Elles devront donc s’infliger les caisses humaines restantes, celles où vont aller les énormes caddies de début de mois.

Est-ce un progrès, à part pour les profits des supermarchés ?

PS : je te signale, au passage, cet article de Vogelsong sur l'évolution de notre système d'impôt vers l'annulation de la progressivité.

11 commentaires:

  1. C'est amusant que je tombe sur ce billet alors que pas plus tard que la semaine dernière, je me faisais la réflexion que dans les supermarchés brésiliens, les caissier(e)s font encore tout eux mêmes et notamment la mise en sac (sauf lorsqu'il y a des metteurs en sac). Du coup, le temps d'attente à la caisse est super long. J'ai failli leur dire "c'est au client à mettre ses affaires dans les sacs" (d'autant plus qu'ils utilisent 15 sacs alors qu'il n'en faudrait que 3 et mettent tout pas comme je voudrais dans les sacs!!!).
    Au moment de cette réflexion intime, je n'avais évidemment pas pensé à cette question de l'éviction du caissier... enfin... j'y pense maintenant, et la prochaine fois que j'irai au supermarché, je bénirai ce temps supplémentaire passé à la caisse. ;-)

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  2. Oui, c'est un progrès ! Caissière de supermarché est un métier pénible, avec des horaires délirants et un salaire de misère.

    Toute automatisation d'un métier pénible est un progrès.

    Sans compter qu'il y a moins de queue aux caisses.

    Le problème est que dans notre putain de bordel de société, on est incapables de faire partager le progrès. Pourtant, il est évident que plus on automatise des jobs, moins ça fait de travail... Dans ce cas précis, le "moins de travail" ne va concerner que les caissières qui vont se retrouver au chomdu alors que la diminution du travail devrait être imputable à tous les travailleurs.

    Et c'est aussi pour ça que la réduction du temps de travail à un sens : parce que pour produire autant, on a de moins en moins besoin d'heures de travail et que le produire plus est complètement crétin.

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  3. @ Zoé : il y a aussi un contact humain dans tout cela, ce qui n'est pas à négliger..

    @ Nicolas : oui, je suis d'accord avec toi en fait, mais il faut bien donner du travail aux gens qui ne parviennent pas à obtenir des qualifications. Caissier est un métier de merde à cause du mode d'organisation des employeurs. Je suis sûr qu'en améliorant un peu les droits, on pourrait en faire quelque chose d'acceptable.

    De plus, je suis sûr que beaucoup de gens ne pourront pas se débrouiller avec les caisses automatiques (tu sais, le petit vieux qui est coincé devant le distributeur de billets et qui n'arrive toujours pas à obtenir son pognon.)

    @ sKaLpA : merci.

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  4. Mathieu,

    "il faut bien donner du travail aux gens qui ne parviennent pas à obtenir des qualifications".

    Non ! Il faut leur donner une utilité sociale et du pognon pour subsister.

    "Caissier est un métier de merde à cause du mode d'organisation des employeurs. Je suis sûr qu'en améliorant un peu les droits, on pourrait en faire quelque chose d'acceptable."

    C'est extrêmement difficile (je réfléchis également au sujet pour ma boite). Un supermarché a besoin de caissières de 12h à 14h et de 17h à 20h30 en semaine. Tu peux trouver des améliorations (par exemple, que les caissières aillent réalimenter les rayons pendant les "heures creuses") mais tu ne trouveras pas le système idéal. Il y aura toujours des caissières qui finiront leur boulot à 21 heures et se taperont une heure de route en plus.

    C'est une question globale d'organisation de la société qui dépasse le cadre des supermarchés !

    "je suis sûr que beaucoup de gens ne pourront pas se débrouiller avec les caisses automatiques"

    Dans 10 ans, tous les produits seront équipés de puce RFID ou d'autres machins technologiques auxquels on ne comprend rien. Il suffira de passer devant une borne qui comptera en une seule fois tout le contenu du caddy. Hop ! 30 secondes à la caisse. Le petit vieux aura lui même été reconnu a distance par une technologie biométrique quelconque et, comme il aura signé un contrat avec le magasin, sera immédiatement débité.

    Le progrès ! (heu...)

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  5. @ Mathieu

    Terrible nouvelle pour les malheureux mexicains qui avaient, grâce à la gentille application du modèle libéral, trouvé un emploi généreusement pas payé (puisque si je me souviens bien les pourboires étaient censés leur apporter largement de quoi manger)...
    Mais ce genre d'emploi ne nous avait-il pas été pourtant vanté par les sirènes sarkozystes il y a deux ans ?? serait-ce encore un espoir déçu ?

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  6. @ Nicolas : donc, encore plus de gadgets pour remplacer les gens. Ce n'est pas un progrès, à mon sens, parce que l'objectif n'est que d'accroître la marge des employeurs, pas autre chose. Pour l'organisation, je sais bien que c'est difficile, mais c'est à l'entreprise de s'adapter aux salariés, pas l'inverse.

    @ Fabrice : il y a un truc sur lequel Sarkozy n'a pas déçu ??? Peut-être le FAF est-il satisfait de la politique de reconduite des étrangers, et encore, il doit trouver cela trop mou...

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  7. Mathieu,

    Ce n'est pas plus de gadget pour accroitre la marge mais pour vivre mieux en travaillant moins ! (et moins chiant)

    De toute manière, on n'y coupera pas. C'est toute l'organisation de la société qu'il faut repenser en prenant en compte tous les facteurs : le progrès technique, le vieillissement de la population, ...

    Ca aurait du commencer il y a trente ans, quand les femmes ont commencé à bosser massivement et que le progrès technique est arrivé : plus de gens sont arrivés sur le marché du travail avec une "somme" de boulot qui baisse tous les jours.

    N.B. : Je ne suis pas contre le travail des femmes, évidemment, mais c'est purement mathématique. Si avant il y avait du travail pour une personne et que deux se retrouvent sur le poste, il serait juste que le temps de travail des deux soit diminué.

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  8. @ Nicolas : je pense qu'on ne parle pas exactement de la même chose. Toi, tu penses qu'il faut globalement partager le travail, ce avec quoi je suis totalement d'accord, vu l'évolution de la productivité. J'avais d'ailleurs fait plusieurs articles sur ce thème, sur l'autre blog.

    Dans ce cas précis, l'objectif n'est pas de partager la masse de travail mais de la supprimer totalement.

    D'autre part, je reste persuadé que, si ces emplois sont durs, ils sont aussi utiles dans certains cas. Les supprimer poursuit la déshumanisation de notre société mais aussi la croissance de l'isolement et de l'insécurité.

    Autre exemple : on a fermé les guichets RATP dans les stations, mais on arrête pas d'y ajouter des agents de sécurité. Les guichetiers pouvaient jouer aussi le rôle de présence humaine, ce qu'ils n'ont plus. Le gain est clair pour la RATP, mais pas pour nous, car le sentiment d'insécurité est plus grand et le prix des billets, par ailleurs, en croissance permanente.

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  9. On nous fait croire que les postes supprimés aux caisses seront recréés pour conseiller la clientèle.
    Mais je ne vois pas les grandes surfaces investir dans des systèmes compliqués de caisses automatiques pour continuer à payer le salaire de quelqu'un qui sera moins effectif.
    Le client n'a pas besoin de se sentir bien, mais de consommer.

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