Après avoir festoyé, après avoir été lyrique voire bucolique, je voulais, cher lecteur, me pencher sur la manifestation de jeudi avec un air un peu moins rêveur et un peu plus critique. Manuel m’ayant un peu devancé, nous donnant une vision qui m’a beaucoup surpris, il me faut à mon tour me jeter à l’eau.
Comme tu le sais sans doute, j’ai une grande habitude du rituel de la manifestation. Le premier choc que j’ai éprouvé durant cette journée a été la masse imposante des manifestants. C’est d’autant plus étonnant que les mots d’ordre étaient totalement imprécis, et qu’il fallait faire grève pour pouvoir venir, ce que seuls les fonctionnaires des catégories B et A peuvent facilement se permettre. L’étonnement a été accru par la forte présence d’autres catégories de personnels que les habituels fonctionnaires et ouvriers de la grande industrie. Dans les cortèges de la CGT se trouvaient des personnels des sociétés de service, peu habitués à la manifestation, des retraités et de simples employés du privé. J’ai même eu l’impression, en fin de manif, que les fonctionnaires n’étaient pas majoritaires, à peine la moitié des manifestants. Il fallait noter aussi la présence d’importants groupes de retraités.
Les chiffres avancés sont aussi très impressionnants. Pour rappel, un commentateur de Vogelsong nous signale ici que, lors de la victoire des Bleus en 1998, environ 600 000 personnes se sont retrouvés entre la Concorde et l’arc de triomphe, alors que, durant la manifestation du 29 janvier, entre 15h30 et 18h00, le cortège a occupé tout l’espace se trouvant entre la Bastille et l’Opéra Garnier (pour mémoire, la police a dénombré 60 000 manifestants et la CGT 300 000, les deux étant, selon moi, en dessous de la vérité). J’ai aussi souvenir que, lors de la dernière manifestation contre le CPE, en 2006, durant laquelle les syndicats avaient annoncé presque 1 million de personnes, les étudiants chantaient « le million, le million », alors que cela faisait trois mois que la grève durait. En un coup, les syndicats ont donc mobilisé bien plus que jamais durant les années précédentes, et des catégories de manifestants qui n’ont pas l’habitude de se déplacer, sur des mots d’ordre totalement flous. Cette exceptionnalité mérite des analyses.
Je vais donc essayer, cher lecteur, de te faire partager mon ressenti de la manif. Tout d’abord, certains témoignages soulignent le côté joyeux du cortège, ce qui est vrai, mais je dois aussi ajouter que les slogans n’étaient pas forcément très positifs, et même très offensifs. Plusieurs slogans dominaient :
Dans un billet récent, Authueil nous affirmait que le gouvernement gérait bien la crise, en tout cas le mieux possible. Franchement, les manifestants n’avaient pas l’air de le penser. Cela est d’autant plus étonnant que la crise n’a pas encore réellement touché la plupart des salariés. Je crois aussi que c’est inquiétant pour les autres acteurs de notre vie publique. Les partis de gauche n’ont pour le moment pas de moyens de capitaliser cette mobilisation, les syndicats n’ont pas encore de demandes claires et ne semblent pas savoir quoi faire de ce succès. Mais les demandes sont là, et vigoureusement exprimées.
Comme mon camarade, j’ai tendance, et ce malgré le fait que je soutiens pleinement cette grève, à dire à tout le monde de ne pas ignorer ce fait politique. La droite doit arrêter de tenter de faire passer cette grève comme une grève des catégories habituelles de grévistes, les syndicats doivent nous appeler à la grève à nouveau si nécessaire mais sur des motifs clairs et précis, le président et ses ministres doivent tourner sept fois leurs langues dans leurs bouches avant de parler et les partis de gauche feraient bien de quitter leurs querelles intestines et de se mettre réellement au travail. On n’a en effet aucune idée de comment un tel mouvement social peut évoluer…
Comme tu le sais sans doute, j’ai une grande habitude du rituel de la manifestation. Le premier choc que j’ai éprouvé durant cette journée a été la masse imposante des manifestants. C’est d’autant plus étonnant que les mots d’ordre étaient totalement imprécis, et qu’il fallait faire grève pour pouvoir venir, ce que seuls les fonctionnaires des catégories B et A peuvent facilement se permettre. L’étonnement a été accru par la forte présence d’autres catégories de personnels que les habituels fonctionnaires et ouvriers de la grande industrie. Dans les cortèges de la CGT se trouvaient des personnels des sociétés de service, peu habitués à la manifestation, des retraités et de simples employés du privé. J’ai même eu l’impression, en fin de manif, que les fonctionnaires n’étaient pas majoritaires, à peine la moitié des manifestants. Il fallait noter aussi la présence d’importants groupes de retraités.
Les chiffres avancés sont aussi très impressionnants. Pour rappel, un commentateur de Vogelsong nous signale ici que, lors de la victoire des Bleus en 1998, environ 600 000 personnes se sont retrouvés entre la Concorde et l’arc de triomphe, alors que, durant la manifestation du 29 janvier, entre 15h30 et 18h00, le cortège a occupé tout l’espace se trouvant entre la Bastille et l’Opéra Garnier (pour mémoire, la police a dénombré 60 000 manifestants et la CGT 300 000, les deux étant, selon moi, en dessous de la vérité). J’ai aussi souvenir que, lors de la dernière manifestation contre le CPE, en 2006, durant laquelle les syndicats avaient annoncé presque 1 million de personnes, les étudiants chantaient « le million, le million », alors que cela faisait trois mois que la grève durait. En un coup, les syndicats ont donc mobilisé bien plus que jamais durant les années précédentes, et des catégories de manifestants qui n’ont pas l’habitude de se déplacer, sur des mots d’ordre totalement flous. Cette exceptionnalité mérite des analyses.
Je vais donc essayer, cher lecteur, de te faire partager mon ressenti de la manif. Tout d’abord, certains témoignages soulignent le côté joyeux du cortège, ce qui est vrai, mais je dois aussi ajouter que les slogans n’étaient pas forcément très positifs, et même très offensifs. Plusieurs slogans dominaient :
- Le pouvoir d’achat était présent chez beaucoup, particulièrement chez les retraités mais aussi chez les salariés du privé comme du public.
- L’emploi ressortait moins, sauf dans les cortèges des ouvriers de l’industrie s’inquiétant des plans sociaux et des délocalisations, et chez les fonctionnaires, demandant l’arrêt des suppressions de postes.
- Les slogans sur les banques étaient nombreux, se demandant pourquoi il y avait eu tous ces prêts et les 20 milliards de recapitalisation sans contreparties.
- Enfin, et je ne peux que le reconnaître, les slogans anti-Sarkozy étaient partout, que ce soit avec des jeux de mots sur le « casse-toi, pov’ con ! » et sur le « plus personne ne se rend compte qu’il y a une grève en France ». Les « Sarko démission !» ont aussi émergé en fin de manifestation, les chiffres annoncés par la police en province ayant couru et les manifestants dénonçant les tentatives évidentes de manipulation.
Dans un billet récent, Authueil nous affirmait que le gouvernement gérait bien la crise, en tout cas le mieux possible. Franchement, les manifestants n’avaient pas l’air de le penser. Cela est d’autant plus étonnant que la crise n’a pas encore réellement touché la plupart des salariés. Je crois aussi que c’est inquiétant pour les autres acteurs de notre vie publique. Les partis de gauche n’ont pour le moment pas de moyens de capitaliser cette mobilisation, les syndicats n’ont pas encore de demandes claires et ne semblent pas savoir quoi faire de ce succès. Mais les demandes sont là, et vigoureusement exprimées.
Comme mon camarade, j’ai tendance, et ce malgré le fait que je soutiens pleinement cette grève, à dire à tout le monde de ne pas ignorer ce fait politique. La droite doit arrêter de tenter de faire passer cette grève comme une grève des catégories habituelles de grévistes, les syndicats doivent nous appeler à la grève à nouveau si nécessaire mais sur des motifs clairs et précis, le président et ses ministres doivent tourner sept fois leurs langues dans leurs bouches avant de parler et les partis de gauche feraient bien de quitter leurs querelles intestines et de se mettre réellement au travail. On n’a en effet aucune idée de comment un tel mouvement social peut évoluer…