jeudi 18 décembre 2008

Et la Chine, frappée par la crise, commença à ralentir.

Tu noteras sur de nombreux sites internet et médias classiques, cher lecteur, que de nombreuses personnes n'ont cessé d'utiliser la Chine pour vanter les mérites de la mondialisation libérale qui n'a cessé d'accélerer depuis le début des années 1980. Pourtant, ce matin, France Info a annoncé que la Chine pourrait passer à 5% de croissance en 2008 contre 10% en 2007. Pourquoi ce freinage ? J'y reviens ici.

La Chine s'est ouverte au commerce internationale à partir de 1979, sous l'impulsion de Deng Xiao-Ping, après une longue période de fermeture sous Mao. Cette ouverture, très progressive, a concerné l'ensemble de la côté chinoise. Le deal était simple : le gouvernement communiste acceptait l'implantation dans des zones franches d'entreprises capitalistes transnationales, qui profitaient ainsi d'une main-d'œuvre peu coûteuse et docile. En échange, les transnationales devaient livrer des usines clef-en-main et des secrets technologiques. Cet accord a fait croître considérablement l'emploi industriel en Chine, a suscité une hausse vertigineuse des échanges commerciaux et a abouti à une croissance à deux chiffres, sans interruption depuis plus de 20 ans.

Cependant, ce système repose sur la consommation des pauvres et des classes moyennes des pays développés. La production chinoise est composée de produits faiblement valorisables chez les riches, ou de composants de produits plus sophistiqués assemblés ailleurs. Si la consommation ralentit, les transnationales supprimeront d'abord ces productions-là, peu valorisantes, pour aller vers ce qui rapporte le plus. Rapidement, le chômage va croître et l'Empire du milieu risque d'affronter de vrais mouvements sociaux.

La Chine surmonterait cette crise si ses propres citoyens pouvaient entretenir seuls la croissance. Certes, une bonne part de la population chinoise a pu s'enrichir, sur la côte et dans les grandes villes, mais la majorité des Chinois (paysans, habitants de l'intérieur) vivent encore dans des conditions dignes des pires pays en voie de développement. En clair, la redistribution des richesses n'a pas été suffisantes pour enclencher une croissance interne aussi forte sans l'apport des échanges internationaux. La politique de redistribution des richesses étant trop limitée, malgré la façade communiste de l'État, les consommateurs chinois ont encore des capacités d'achat trop restreintes.

La Chine n'est pas le seul pays émergent à être en mauvaise situation. Que dire des pays pétroliers, qui ont décidé hier de restreindre leur production de pétrole, des pays africains dont les ventes de matières premières vont s'effondrer, des autres pays d'Asie qui ont adapté le modèle japonais puis chinois ? Globalement, les déséquilibres de la mondialisation vont se révéler cruellement dans la période à venir : on verra le danger de construire une économie mondiale qui s'appuie uniquement sur la consommation d'un seul type d'espace.

Lorsque les pays développés s'enrhument, c'est toute la planète qui éternue !

4 commentaires:

  1. Tu étais inspiré pour ta dernière phrase...!
    J'ai de plus en plus tendance à penser que cette crise tel qu'elle se développe, n'est pas si mauvaise que ça.
    Sûr que les pays pauvres, Afrique en premier lieu, s'en prennent plein la tête, mais ils sont de toute façon misérables.
    Par contre, j'observe un rééquilibrage assez jouissif, les émirats qui perdent un pognon monstre, Dubai qui court à la faillite, la Chine qui ralentit comme tu nous l'expliques si bien.
    C'est un frein à la mondialisation libérale sauvage, et quelque part, c'est pas plus mal.

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  2. @ Manuel : je ne partage pas ton optimisme. Lors du dernier freinage du processus de mondialisation, on a eu deux guerres mondiales à la suite, les fascismes et nazisme, la shoah... J'espère qu'on entre pas dans un désordre international généralisé.

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  3. Ca fait un petit moment que les Chinois eux-mêmes cherchent à "freiner".

    Les produits chinois guère valorisables chez les riches ? On peut se poser la question. La contrefaçon est un moyen d'intervenir sur ce marché... Plus sérieusement, les riches, ce sont les classes moyennes des pays développés...

    Quant à l'idée qu'on a longtemps entretenu à propos d'autres pays asiatiques, cette incapacité à prendre pied sur les marchés lucratifs, elle est sans doute fausse pour les Chinois aussi (les Japonais uniquement capables de copier, les coréens d'imiter...). En 2006, plus de 40 % des exportations de la Chine sont constituées de machines (pour la téléphonie, la télévision, la radio, transformateurs, convertisseurs et inducteurs statiques...). Et la part dans les importations de ces machines est identique (41,5 %) ( source ).

    Selon le site question chine.net , "au premier semestre de 2006, les exportations chinoises de “high tech” ont nettement progressé, atteignant 28,8% des exportations totale."

    Certains avaient pronostiqué que la "bulle Chinoise" ne tiendrait pas jusqu'aux JO. Comme quoi, le tissu est fragile un peu partout.

    Il semble que la gestion politique des mouvements sociaux soit une des difficultés du gouvernement chinois en ce moment. Grève à répétition des taxis...

    Ta réflexion globale est intéressante, je me demande si on peut mettre tous les pays émergents dans le même sac. Sauf concernant un point, la "consommation d'un seul type d'espace", formulation un peu obscure mais que je comprends comme "la prédation de tous les espaces et toutes les richesses disponibles" !

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  4. @ Mtislav : alors, plusieurs compléments :

    Tout à fait d'accord sur les classes moyennes. J'y avais mis les pauvres aussi, car ils ont quand même un pouvoir d'achat important pour un Chinois.

    Les machines que tu cites ne sont pas des produits de haute-technologie très valorisables et ils peuvent être fabriqués partout. La hausse des produits high-tech est une nécessité pour les Chinois.

    Quand je parlais de la consommation par un seul type d'espace, je voulais dire que les dirigeants des pays émergents ont accepté de construire un système économique qui s'appuient sur les appétits des habitants des pays riches. Cela a certes suscité une croissance, mais qui ne profite pas à la majorité des habitants, et qui peut s'effondrer dès que le Nord a des problèmes. Si la mondialisation visait à une hausse générale des revenus, à une redistribution des richesses générale et à un développement cohérent, ce type de crise serait évitable.

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